mercredi 28 février 2018

La Chanson de Mantelot


La belle épousée



La belle attendait son marin tant aimé
La noce est demain, il va bientôt rentrer
Son bateau en chemin ne saurait plus tarder
Pour sa grande noce, elle a tout préparé


Son amoureux s'en vient , bientôt près d'amarrer
Du canal tout proche, la Loire doit traverser
La pauvrette craint ce passage redouté
Elle prie le ciel que rien ne puisse arriver


Du clocher le tocsin se met à résonner
Un terrible naufrage est encore déploré
Des voisins tout en larmes lui ont annoncé
Que jamais son marin ne sera épousé



En passant le dhuit, le bateau a chaviré
Le pauvre fiancé ne savait pas pas nager
Les flots en colère ont fini par l'emporter
Son pauvre corps ne sera jamais retrouvé



La belle enfila sa robe de mariée
Dans la cruelle Loire courut se jeter
Pour s'unir à celui qu'elle voulait aimer
En des noces funestes pour l'éternité


De ce jour noir sur la rivière envoûtée
Un spectre sans tête ne cesse de pleurer
C'est la belle dans sa robe de mariée
Qui appelle son gentil fiancé égaré



La belle attendait son marinier tant aimé
La noce est demain, il va bientôt rentrer
Son bateau en chemin ne saurait plus tarder
Pour sa grande noce, elle a tout préparé

mardi 27 février 2018

Les fruits de la mondialisation



Spécial Salon de l'Agriculture.



Décidément, je ne serai jamais au bout de mes surprises dans cette association caritative ! Dans ce qui peut passer pour l’ultime étape de la relégation bien plus sûrement qu’un point d’appui pour un nouveau départ, la société de consommation se plaît à jouer sa terrible mélodie cacophonique pour couvrir la détresse de nos bénéficiaires. Toutes les actions entreprises pour leur venir en aide sont empreintes du sceau de la folie du système libéral et mondialisé.

Ce jour-là, l’arrivage des surplus de la grande distribution se caractérisa par le délire des transports à travers la planète. Des fruits, arrivés de différents pays, issus de plusieurs continents, vinrent terminer leur voyage absurde. Ils étaient à bout de course, épuisés par des étapes innombrables, des manipulations douteuses, des méventes incompréhensibles.

Les cagettes s’accumulaient. Il y avait urgence à sauver ce qui pouvait l’être encore. Le moisi, les champignons, le pourri avaient élu domicile dans les barquettes plastiques qui favorisent encore plus la dégradation des produits. On me confia le travail, je n’avais nulle autre tâche ce jour-là que la constitution de la salade des fruits de la mondialisation.

Le premier travail est le tri. Oui ? il faut écarter ce qui ne peut être décemment consommé. Le rapport ce jour-là fut de 1 fruit conservé pour 4 jetés. Un travail déprimant quand on songe à ce gaspillage éhonté, à ces déchets végétaux qui s’accumulent et qui n’iront même pas gonfler un compost, interdit en ce lieu afin de ne pas favoriser plus encore le développement des rats. Nous tutoyons l’absurde et toutes nos actions finalement favorisent la gabegie !

J’ai commencé mon joyeux tri par des fraises venues d’Espagne. Elles avaient mauvaises mines les pauvres demoiselles. Mes doigts s’écrasaient souvent sur des fruits plus liquides que juteux. Des filaments blanchâtres couraient dans les barquettes. Le peu qui fut sauvé subi des lavages répétés à grande eau avant d’être coupé en petits morceaux pour constituer un jus acceptable. J’y mêlai le jus de quelques oranges venues à pied sans doute de Tunisie. Les fruits traversent plus facilement la Méditerranée que les pauvres gens !

Pendant ce temps, une autre bénévole se chargea du sauvetage d’ananas qui nous rendaient visite en provenance du Costa-Rica. Deux heures durant, ma collègue tailla, éplucha, sélectionna ce qui pouvait encore être consommé. La proportion de ce qu’elle conserva fut ridicule par rapport au monticule de ses déchets. La poubelle se gonflait à vue d’œil et elle avait tout pour attirer nos amis les rats.

Dans le lot, quelques melons verts venus de Turquie apportèrent une petite touche d’espoir. Il n’y avait rien à jeter. Ils donnaient eux aussi une touche exotique qui n’allait faire que se renforcer au fur et à mesure des ajouts. Le fret pouvait se frotter les mains, ma salade de fruits sentait fort le kérosène ou le gas-oil …

Puis on m’apporta des réserves, véritables cavernes d’Ali-Baba en décrépitude, des groseilles et des framboises venues du Portugal. Les framboises tenaient d’avantage de la purée que du fruit délicieux. J’en sauvai quelques-unes, jetant le reste qui allait rejoindre les rebuts de notre époque délirante. Les groseilles avaient mieux supporté le voyage que ? l’odieux conditionnement ; un plastique transparent dans lequel un papier noir met en évidence le rouge des fruits. On aime la littérature dans la grande distribution.

Des raisins noirs d’Italie vinrent mettre eux aussi un peu de couleur dans cette palette voyageuse. Pour satisfaire mon patriotisme culinaire, j’ajoutai quelques Chasselas du Tarn et Garonne, je sauvais ainsi la face et soutenait bien modestement l’agriculteur hexagonal. Le tout avait demandé deux heures de main d’œuvre pour 5 bénévoles qui ne pattèrent pas en chemin. Le sucre nous venait de l’île de la Réunion, la vanille de l’île Maurice.

Pour ne pas être dépaysée, c’est une clientèle particulièrement cosmopolite qui se régala de cette succulente salade de fruits. Tous ces gens venus de tous les continents avaient sans aucun doute éprouvé bien plus de difficulté pour échouer là. Un monde qui transporte ainsi les fruits perd sans aucune doute la tête surtout quand au bout du voyage, c’est la poubelle qui les attend.

Ma salade de fruits avait un coût carbone que je n’ose calculer. Si on ajoute une poubelle pleine à craquer, nous marchons sur la tête. Mais tout va bien, le pire est encore pour demain.

Fructificationnement vôtre

lundi 26 février 2018

Drame bovin sur le Ségala.


Spécial Salon de l'agriculture

 


Il était une fois deux fermes voisines sur le Ségala. Les familles y vivaient en paix, on peut même dire que la concorde et l'amitié régnaient en maîtresses des lieux. Tout allait bien, du moins en apparence, car comme souvent, le mal sournois de la jalousie ronge même les esprits les moins sujets à ce genre de stupide gangrène sociale.

Revenons à nos taureaux, car à défaut de moutons, c'est eux qui tiennent la vedette de cet épisode peu glorieux de la bataille ancestrale du dominant et du dominé. Pour la famille Coubyr, le taureau depuis des générations se nommait « Pompon ». Les injonctions bruxelloises pour identifier tous les animaux agricoles à quatre pattes n'y faisaient rien. Et même si ce Pompon là était né en une année en « A », qu'il avait papier officiel et numéro d'immatriculation sous le patronyme «d'Affreux », il était Pompon comme tous les autres …

De l'autre côté du fil barbelé, chez les « Malcou », il y a avait « Pataud ». Lui aussi était assigné à ce prénom charmant de père en fils, même si la génétique naturelle, depuis fort longtemps n'était plus responsable de la succession des générations dans ces fermes d'élevage du Haut-Ségala. L'autre était d'une année en « C », plus jeune, bien plus fougueux que son rival et voisin aveyronnais.

Les relations taurines eurent dû continuer ainsi comme le firent bien avant eux les premiers Pompon et Pataud de la longue succession qui les a précédés. Mais voilà que l'impondérable et les soucis sécuritaires dans l'élevage moderne ont apporté leur grain de sel. Pompon quand il était encore chez son éleveur sélectionneur fut privé de ses cornes. On le devinait agressif et chafouin, il fallait préserver le futur fermier qui l'aurait en charge !


De cette terrible ablation, Pompon ne s'était moralement jamais remis, d'autant plus que l'infâme Pataud, ce jeune paltoquet, en portait fièrement une belle paire sur la tête, à vous faire damner de jalousie. Chez les bêtes aussi, les questions d'apparence prennent des proportions énormes, nous allons bientôt nous en rendre compte …

Pompon, manifestement traumatisé, détourna son sentiment de frustration en une énorme agressivité contre son jeune rival. Leurs relations en permanence conflictuelles, vinrent sonner le glas de la belle harmonie historique qui régnait jadis entre les Pompons d'en haut et les Pataud d'en bas. Les familles Coubyr et Malcou ignoraient alors tout du changement d'époque qui était en train de se produire ...

Des regards de travers, des mouvements du sabot, des souffles vengeurs, des beuglements discourtois furent les premiers signes d'une guerre larvée. Pompon bénéficiait encore du bénéfice de l'âge et en profita l'an passé, pour mettre une belle rouste à ce jeune encorné. Mais la vengeance est un plat qui, chez les taureaux aussi, se mange froid. Ce qui devait advenir, advint en ces premiers jours d'août 2012.

À l'heure où l'éleveur fait rentrer ses bêtes à l'étable pour nourrir les veaux sous la mère, il manquait trois bêtes à l'appel … Pompon était des absents, ce qui ne manqua pas de l'alarmer même si le taureau n'est que de peu d'utilité pour nourrir les veaux, sa présence tutélaire rassure ses femelles et ses quelques rejetons. Beaucoup sont hélas les fruits de l'inséminateur, plus régulier que le brave géniteur …

Le père Coubyr, les soins aux veaux achevés, entreprit de s'enquérir des absents. Il ne tarda pas à retrouver ses bêtes et ce qu'il vit alors lui indiqua en peu de temps la nature du drame qui venait de se nouer. Les clôtures étaient sens dessus-dessous, le fil électrique jeté à terre comme un fétu de paille et pire, la solide quadruple rangées de barbelés totalement arrachée. Il y avait eu bataille titanesque à n'en point douter !

Pire, Pompon gisait au sol, mourant ou peu s'en faut. Incapable de la plus petite réaction, le solide limousin était sur le flanc, vaincu par son rival, humilié, fauché comme la seconde coupe de foin. Il n'était plus que l'ombre du fier et arrogant chef de troupeau. Il n'avait plus qu'à se laisser mourir tant la défaite avait été cuisante.

Car, non seulement, l'abominable Pataud lui avait mis une rouste dont on ne se remet pas au pays des mâles reproducteurs, mais pire encore, il avait emporté, pour trophée de sa victoire, deux des plus belles femelles du troupeau. Le forfait dont on ne peut se remettre quand on a de la dignité et de l'amour propre. Vaincu, passe encore mais cocu quand on n'a plus de cornes, comment garder la tête haute et revenir à l'étable ?

Voilà, vous savez tout ou presque de ce drame bovin. Les relations entre les deux fermes vont-elles pâtir de ce qui se noua sur la pâture ? Nous n'en savons rien, pour l'heure, c'est le duel des experts qui va prendre le devant de la scène. Pompon va fermer les yeux définitivement, l'euthanasie est sa seule porte de sortie.

Voilà comment finit la triste histoire d'un taureau à qui l'on a coupé les cornes. Que les hommes se souviennent qu'il ne faut pas se mêler de ce que la nature a fait, ils seront alors plus sages ! Il y aura un autre Pompon, qu'importe la lettre qui sortira du chapeau. C'est ainsi depuis toujours, il n'y a pas de raison pour que ça change dans ce petit coin de France !

Tauromachiquement leur.


dimanche 25 février 2018

Le dernier voyage du matricule 1261



Spécial Salon de l'agriculture



Chaque jour dans nos beaux pays d'élevage, ceux qui respectent leur cheptel, le métier et l'environnement, se noue un drame afin que l'homme des villes industrielles puisse jouir à loisir de sa ration quotidienne de protéine animale. Ici le chapon perd son honneur, là le cochon se fait du mauvais sang, plus loin le veau abandonne sa bonne mère laitière.

Je vais vous narrer la triste et édifiante histoire du matricule 1261 qui se sacrifia à la gloire du label rouge et des derniers gastronomes qui ne supportent pas la viande hormonée. Cette histoire débute un jour de mars 2009. Un éleveur anxieux fait les 100 pas dans une étable du Ségala. La délivrance survient en ce petit matin brumeux et le bal des formalités administratives débute.

Dans un pays où plus rien ne doit échapper aux fourches Caudines d'un big brother informatique, le veau ne déroge pas à la règle générale. Encarté, fiché, suivi à la loupe, vacciné, …, l'anthropométrie nationale veille à ne rien laisser passer au travers de ses filets.

L'heureux naisseur envoie immédiatement un message électronique à un regroupement officiel pour signer l'heureux événement et recevoir en retour un feuillet informatique en 4 exemplaires pour lui signifier le matricule de baptême de son rejeton de veau. Cette bête de choix se nommera 1261 puisque les arcanes administratives en ont décidé ainsi !

Sa vie va suivre son cours sous sa bonne mère aimante, pas très loin de son père génétique bien indifférent, il faut le reconnaître à sa progéniture. Ici, l'inséminateur estampillé n'est pas le seul à jouir du privilège de l'engrossement. Il doit affronter la concurrence bovine d'un mâle souverain en son troupeau.


Les jours passent entre le pré à la belle saison et l'étable quand les jours raccourcissent. Il se pique de quelques caprices vétérinaires : une grippe qui s'impose à tous, humains récalcitrants qui conservent leur libre arbitre et bovins beuglants qui subissent sans représentation syndicale reconnue par nos autorités. Une fièvre Catharale, mal mystérieux venu sous les ailes d'un moucheron Corse, pandémie redoutable s'il en est, exige une campagne obligatoire et gratuite de vaccination pour tous les génitrices du troupeau.

Le seringue est devenue, il faut bien l'admettre un vecteur plus puissant et néanmoins pointu, pour favoriser l'enrichissement des laboratoires amis d'un pouvoir qui croie si peu aux vertus du libéralisme, qu'il impose par la loi, une multitude de dépenses incomprensibles.

Revenons à notre veau, quoiqu'il y est de moins en moins de différence entre un bovin et un brave citoyen aux yeux méprisants de nos gouvernants. Le 1261 en ce jour de décembre fait ses adieux à ses congénères. Son maître est entré dans l'enclos vêtu de son habit de lumière. Une magnifique côte à double passe-main qui vous libère de la chose comme une banane de sa peau. Je sais quelques libertines Belges qui fantasment à l'idée de dépouiller un éleveur sur d'accueillantes bottes de foin encore carrées ( la botte ronde a tué les amours fripons... ).

L'homme en question était arrivé au volant d'un 4x4 qui n'est pas rutilant. Véhicule utilitaire en cette région escarpée, il traîne une bétaillère et ne saurait se laisser conduire par une blonde peroxydée. Le brun musculeux entre dans l'enclos armé d'un solide bâton, repère le bon numéro qu'il isole de ses camarades de foin. Il a ouvert les vannes (pardon le van) et l'animal, ignorant tout de son triste sort, monte dans la charrette aussi digne que Marie Antoinette le jour de son marthyre.

Une tête de veau vaut bien mieux qu'une bouchée à la reine et la bête affiche sous la balance finale 422 kilogrammes. L'éleveur remet médaille et papiers d'identité à un maquignon satisfait qui jauge une croupe replète. Le veau s'en va vers son trépas, un label rouge vous donne de la dignité sur l'étal et du baume au cœur quand sa dernière heure a sonné.

Bovinement vôtre. 

samedi 24 février 2018

Monsieur Castor


Monsieur Castor



C'est monsieur Castor
Qui faisait le mort
Au pied de ce pont
Dans les tourbillons

C'est en notre port
De la rive Nord
Qu'il reposait là
Singeant le trépas
Car quelques fripons
De vilains garçons
Lui jetaient cailloux
En faisant les fous

Refrain


Castor agacé
Voulut les tancer
Pour son agonie
Ils seraient punis
Furent condamnés
À coups de fouet
Ça leur fit la nique
En place publique


Refrain

Castor renaissant
S'en vint réclamant
Afin d’les châtier
Devant l'assemblée
C'est à coups de queue
Qu'il punit ces gueux
Voilà ce qu'on fait
Aux affreux méfaits

C'est monsieur Castor
Qui faisait le mort
Au pied de ce pont
Dans les tourbillons


vendredi 23 février 2018

Mon marché



Le choix du Roy
 
 

Cela fait bientôt 40 ans que je fréquente ce marché. Il y a encore des vendeurs qui ont partagé ce parcours en dépit d’un changement de localisation, heureusement toujours en bord de Loire. C’est l’occasion de rencontres, de discussions et d’achats de produits frais et de qualité. J’aime cette ambiance magnifique, ce plaisir d’un rendez-vous hebdomadaire avec des gens sympathiques.

Oh, je ne me presse pas dans ses allées à l’heure de la foule, des queues interminables. J’aime m’y rendre le matin de bonne heure, quand les derniers étals se chargent de victuailles. Le soleil se lève sur la Loire, il y a encore du temps pour la discussion et vous ne risquez pas de vous trouver pris dans un embouteillage provoqué par deux ou trois chariots en travers du chemin.

C’est le moment de la pause-café. Beaucoup de marchands aiment à se retrouver à la buvette de Valérie. Je me mêle à eux ; nous devisons aimablement autour d’un café aux beaux jours ou d’un vin chaud quand les frimas s’imposent à nous. Les plaisanteries fusent ; le forain est taquin, le client bougon et le placier placide. Chacun joue son rôle avec plaisir ; c’est un jeu qui se renouvelle sans cesse.

Mes arrêts sont immuables. Je ne suis pas de ceux qui vont chercher le meilleur prix. Je préfère établir une relation de confiance, un lien d’amitié avec mes vendeurs habituels. Je ne fais pas que passer. J’aime prendre des nouvelles, m’enquérir de la marche des affaires ou bien de celle de la production. Ils me demandent où je vais conter ce weekend, comment vont mes enfants ou bien si mes livres se vendent bien. Nombreux sont ceux d’ailleurs qui en ont fait l'acquisition.

Je commence par l’achat d’un pain complet qui me fera la semaine. Un pain à l’ancienne qui conserve sa saveur et sa texture durant cinq jours : miracle qui échappe souvent aux productions standardisées de nos boulangeries spéciales. Je passe toujours voir mon papy préféré : un sage qui a toujours un mot gentil. Il propose de merveilleuses confitures réalisées avec amour par son épouse, des œufs à manger à la coque et des cornichons comme autrefois. Il a aussi quelques légumes de sa production et parfois un pigeon ou bien une volaille.

Puis c’est le cueilleur de champignons. La Sologne est son terrain de chasse, il y a toujours quelques belles surprises et des valeurs sûres. L’homme étant prévoyant, il propose aussi des bocaux et des sachets de champignons déshydratés pour les périodes creuses. Il dispose d’une armée de ramasseurs et aucune pousse n’échappe à sa sagacité. En ce moment, les morilles sont à l’honneur à des prix à faire pâlir les vrais amateurs.

Je pousse mon voyage gastronomique jusqu’en Berry avec Marie la Sorcière. Elle est ma plus fervente supportrice et se fait fort de distribuer mes prospectus partout où elle passe. Au-delà de cette qualité incomparable, elle a un formidable fromage de chèvre qui me régale et des produits de son cher Berry qui valent le déplacement. Nous parlons souvent de ses activités de bienveillance : la dame ayant en plus un cœur en or.

Toujours dans le fromage, je vais voir son voisin qui élève avec amour des vaches dans le respect de leur alimentation. Son fromage est délicieux, sa crème fraîche si épaisse que la cuillère tient parfaitement droite en son milieu. L’homme est agréable, discret et d’humeur toujours égale. Il vient de Coullons, un village où j’aimais me rendre quand j’étais enfant. Voilà de quoi nous rapprocher encore !

Puis il y a Aimée et son foie gras et tous les produits dérivés du canard gras. Elle est charmante, aime son métier et ses canards qu’elle sélectionne avec amour. Ses canetons viennent d’une ferme-élevage de la région d’Angers ; ils sont nourris en bordure de la forêt de Marchenoir, juste à côté de chênes truffiers. Les préparations sont succulentes, le produit toujours de qualité, la dame d’une immense gentillesse. C’est un bonheur que de faire halte devant son échoppe.

Pour les légumes, je fais entière confiance à un vrai producteur, pas un de ces margoulins qui vendent aussi des produits provenant de Rungis. Sa curiosité le pousse toujours plus à aller vers la découverte de légumes anciens ; son agriculture est raisonnée. L’homme ne peut être mauvais, il sort de Saint Cyr et a joué au rugby. Ses vendeurs sont d’humeur toujours charmante, c’est un plaisir, d’autant que l’on y trouve vraiment une diversité qui rend la cuisine distrayante.

Puis il y a les autres : ceux chez qui je fais une halte occasionnelle. Ils sont saisonniers comme ce producteur d’asperges vertes de grande finesse ou cet autre qui ne vient que pour vendre son cresson. Il y a encore cet autre fromager dont les chèvres anglo-nubiennes font des bouchons à apéritif qui me poussent à la consommation excessive de vin blanc.

J’achève mon tour de gourmandise chez le poissonnier de Sully qui a la bonne idée de venir de mon village natal. L’homme a un poisson frais et nulle bataille ne se déroule auprès de son échoppe. Tous les Celtes ne sont pas comme dans la bande dessinée d’Astérix. À Ceno, nous savons nous tenir.

J’ai sans doute oublié des vendeurs, des produits qui ne devraient pas passer à la trappe. Je ne veux pas lasser le lecteur et c’est à lui de se faire sa propre opinion en se rendant, à son tour, sur le marché du quai du Roi. Mais gare à celui qui viendrait en critiquant l’endroit : le canal n’est pas loin et il pourrait bien y prendre un bain …

Forainement leur.
Le marché du quai du Roi s’est imposé comme le marché phare de l’agglomération orléanaise. © Christelle BESSEYRE 
Lire l'article de la Rep et soutenir le marché du quai du Roy
https://www.larep.fr/orleans/vie-pratique-consommation/gastronomie/2018/02/23/orleans-plus-beau-marche-de-france_12749271.html
 

jeudi 22 février 2018

À l'ombre de la Pucelle.



La dame Jeanne.


Il était une fois, il y a fort longtemps de cela, une jolie troupe marinière qui en avait assez soupé de ne pouvoir naviguer tout à loisir sur son fleuve. L'Anglois, le fourbe, le retors, avait établi bien longue villégiature en la bonne ville d'Orléans. Les troupes du roi d'Angleterre avaient choisi le coin pour grand bain de siège si rigoureux que les voiles étaient proscrites aux pieds des tourelles. Du haut de la forteresse, qui barrait le cours d'eau, de perfides archers veillaient à ce que le blocus fût respecté à la lettre.

Tous les efforts français pour dégager l'étreinte avaient tourné vinaigre. L'indiscipline était alors le plus grand mal dont souffraient les troupes du roi. Quand en face, le camp des envahisseurs avait dans ce domaine, force bien supérieure et rigueur extrême. La situation militaire était figée depuis si belle lurette que les anciens ne se rappelaient plus le temps heureux d'une province sans ceux qui ne buvaient pas encore du thé ! Les gens d'Orléans y perdaient patience et leur latin. C'est de ce drame que la langue vulgaire fit son chemin de bouche vernaculaire à oreille échauffée. 

Dans la ville et alentour, les mariniers se désespéraient de ne pouvoir aller leur train à bateaux. Les temps étaient durs, la pitance maigre, le vin aigrelet depuis quelques années, sans doute l'influence négative de ces visiteurs si peu portés sur nos bons petits vins de Loire. Je ne sais ce qui poussa quelques gars d'Orléans à tenter l'aventure vers des terres plus hospitalières et surtout dépourvues de ces indésirables visiteurs, mais la chose est certaine, une joyeuse bande de forts en gueule et de hardis gaillards partit loin de cette province devenue maudite pour trouver fleuve à naviguer, chopines à vider et accessoirement, si la chose venait à se présenter, jupons à trousser.

C'est sur la Meuse qu'ils jetèrent leur dévolu sans omettre l'ancre qu'ils avaient tenu à faire suivre. Le marinier est souvent habile de ses mains, il aime à travailler le bois, ne rechigne pas à l'effort pour scier, tailler, couper, émonder, manier le rabot avec grâce et bien d'autres activités charpentières. Par contre, travailler le fer n'était pas dans sa panoplie ! C'est ainsi qu'il n'était pas question de jeter l'amarre avec l'eau du bain quand un marinier changeait de rivière.

Ayant posé baluchons et varlopes à Domrémy, la bande se mit immédiatement à l'ouvrage. Les uns se chargèrent de trouver grands pins bien droits pour se lancer dans la construction d'un magnifique Chaland quand quelques autres se mirent en quête de trouver dans la région de quoi casser la croûte sans oublier de boire quelques canons. Ils avaient grande et belle dame-jeanne qu'ils souhaitaient remplir à ras de ce bon petit gris de Toul pour réjouir leur gosier et survivre au chagrin d'avoir quitté la Loire.

Pendant que les charpentiers, ne restant jamais bien longtemps les deux pieds dans le même sabot, abattaient la besogne avec entrain et efficacité, les responsables de l'intendance et autres douceurs se lancèrent à la quête des victuailles. Ils firent ainsi visite en une petite ferme du village où une jeune fille gardait les blancs moutons de son père. Le brave homme avaient quelques rangées de vigne, ce qui expliquait la présence de nos boit sans-soif en ce lieu retiré de tout.

« Mon brave homme », lui dit le plus grand des chenapans, « n'aurais-tu pas dans tes fûts, de quoi remplir d'aise notre dame-jeanne ? » Non seulement l'homme ne parlait pas la langue de ce pauvre Charles VII mais il sembla ne pas trouver à son goût les beugleries de ces paillards. D'autant qu'il avait cru entendre dans l'étrange jargon de ces lurons, le doux et merveilleux prénom de sa petite fille, la prunelle de ses yeux.

Voilà les ingrédients en place pour que naissent les grands destins, les belles histoires ou les plus folles menteries. De cette incompréhension, de ce mur que dresse entre les hommes la méconnaissance des langues, la face de notre monde médiéval sera changé. Mais n'allons pas trop vite en besogne, pour l'heure les deux parties se regardaient en chien d'arquebuse.

Jeanne bien apeurée s'était accotée à son géniteur. Elle était plus pâle encore que ses jeunes agneaux et brûlait d'une grande frayeur. Elle s'interrogeait sur les intentions précises de ces chenapans, venant parler étrange langue avec force menace auprès de son brave père Elle sentait que sa vie tranquille allait changer de voie, que ces hommes venaient troubler son destin de petite Lorraine. Elle redoutait par dessus-tout que l'un de ces vauriens ne viennent lui dérober sa précieuse fleur, elle qui se voulait agnelle pure …

Étrange pressentiment, peur infondée, inquiétude face à l'inconnu, crainte de ce qui est nouveau, Jeanne n'échappait pas aux angoisses qui peuplent les cauchemars des jeunes filles en ces temps troublés. Ces démons d'hommes, ces diables lubriques et inquiétants, c'est du moins ainsi qu'elle les voyait, venaient troubler la quiétude de son jeune âge, menaçaient sa douce innocence.



Le premier contact fut donc catastrophique. Il est reconnu que le marinier est un garçon prudent, sentant le vent mauvais dans le regard du vieil homme, la tempête dans les yeux troublants de la jeune bergère, nos fripons en goguette allèrent traîner leurs guêtres dans une autre ferme. Ils trouvèrent meilleur accueil car le maître de céans avait jadis sillonné des contrées où l'on parlait langue voisine de celle des bords de Loire.

La troupe fit affaire avec le paysan avisé. Elle paya bon prix pour un vin bien plus jaune que le blanc de chez eux mais qui avait belle allure en bouche et vous rendait gaitiau tout comme faut ! La dame-jeanne fut remplie et ils purent s'en retourner bien vite sur le chantier aider à l'ouvrage les compagnons charpentiers.

Ils firent ainsi plusieurs fois le voyage pour remplir la grosse cruche qui se retrouvait souvent vide. Le travail donnait soif aux hommes, la grande cruche se vidait aussi vite qu'avançait le Chaland. Les aller et retours de nos gars des bords de Loire finirent par amadouer la donzelle. La fille de ce voisin qui leur avait fait la lippe, ne leur lançait plus ce regard de braise qui ne présageait rien de bon. Elle souriait maintenant à leur passage, voyant que ces braves bougres étaient bien plus dangereux pour un cruchon que pour le trésor d'une bergère.

Elle aimait à se cacher derrière les futaies pour les écouter parler leur bien étrange langue. Ils évoquaient souvent les maudits soldats et la pauvre ville d'Orléans et surtout n'avaient de cesse que de vanter les mérites d'une dame-jeanne. La Bergère ne comprenait pas tout mais il lui semblait bien que ces gentils garçons accordaient grande et forte vénération pour une dame portant son prénom. Elles saisit bien vite qu'il y avait en leur pays de vilaines gens qu'ils appelaient Anglois !

Le soir venu, ces histoires tournaient dans la tête de la demoiselle. Elle se prenait à rêver de voyage, d'un grand destin et de trois capitaines qui ne l'auraient pas appelée vilaine. En Lorraine quand on porte sabots et jupon, le soldat a vite la main leste et le mot déplacé, à moins que ce ne soit le contraire …

Puis un jour, les braves mariniers disparurent de ce petit coin de Lorraine. Ils avaient construit un grand et beau navire de bois, un lourd et solide Chaland pour faire commerce sur les bords de la Meuse. Hélas, s'ils étaient capables de prouesses charpentières et de folies gourmandes, ils n'étaient pas vraiment hommes avisés. La Meuse en cet endroit est une bien étroite rivière et jamais leur bateau ne put les emmener plus loin. Mais de cela, n'en disons rien, la réputation de la Marine de Loire en recevrait un coup fatal !

Jeanne restait sur son petit coin de terre, ces moutons blancs lui devenaient bien pénibles, elle rêvait de veaux couleur, des idées plein la tête. Chaque fois qu'elle voyait ce gros bateau traîner sa misère sur le flanc au bord d'une Meuse qui ne pouvait le porter, elle se souvenait des propos avinés de ces fous d'Orléans. La tête ne cessait de lui tourner …

Elle se fit joli conte à dormir debout. Crut plus qu'il ne fallait à toute ces fadaises qui lui tournaient la raison. Il lui fallut convaincre son père de la laisser partir, d'aller vivre son rêve en cette ville d'Orléans qui lui avait tourné les esprits. Elle inventa un joli conte, une folie faite de bondieuseries et de sornettes pieuses. Elle inventa un messager du ciel quand ceux qui lui avaient soufflé ces diableries n'étaient que de braves et doux mariniers de Loire un peu portés sur le cruchon.


 

La suite, vous la savez tout aussi bien que moi. Elle avait grande et belle imagination, elle savait vous entortiller une fable et prit dans ses rets plus d'un grand de ce pays. Elle fit son bonhomme de chemin, elle rêvait de brûler les planches, de raconter dans le royaume de France de merveilleuses histoires. Elle partit à la conquête de Chinon pour amuser le roi.

Sur son chemin de gloire, elle retrouva notre troupe marinière qui s'en revenait la queue basse et la mine défaite après leur mésaventure Lorraine. Ils eurent d'ailleurs grand peine à reconnaître la petite bergère sous l'armure. Ils lui emboîtèrent le pas et la suivirent dans sa bataille victorieuse en leur bonne ville.

Ils eurent d'ailleurs un rôle décisif dans la victoire. En une nuit sans lune, c'est notre glorieuse troupe marinière qui fit traverser le fleuve à la jeune guerrière au nez fort vilain et à la barbe hirsute des ces maudits assiégeants. L'Anglois bouté comme un malpropre, nos gars reprirent leur passion Loire et abandonnèrent la bergère à ses autres folies belliceuses.

La fin fut bien moins glorieuse. L'Anglois n'apprécie pas les faiseuses d'histoire. D'autant qu'à force de se faire des chimères, la jeune demoiselle avait mis grande et belle pagaille dans ce pays qu'ils croyaient occuper pour toujours. Ils lui jouèrent un bien vilain tour et vous savez tous que la pauvre fille s'éteint le 30 mai 1431d'avoir mis le feu au poudre !

Quant à Jeanne, pauvre petite cruche qui avait quitté sa Lorraine pensant être la dame Jeanne dont ne cessaient de parler les mariniers croisés, elle fut bien surprise de découvrir ce que ce fut vraiment quand l'aventure fut consommée.

Qu'importe ces détails de langage, il est grand temps de rendre à la Marine de Loire les mérites de ce grand fait d'armes. C'est de joyeux mariniers et non des voix célestes qui guidèrent la petite Jeanne vers sa mission sacrée ! Il faut retenir de cette histoire navrante, qu'il n'est jamais raisonnable d'accorder foi à des propos d'ivrognes fussent-ils de braves garçons.

Johanniquement sien


mercredi 21 février 2018

Jehanne en question


Le feu sacré !

Photographie Jean Puyo


Qui se cache sous l'armure ?
Comment a pu faire cette bergère pour filer un mauvais coton ?
Pourquoi notre lorraine ne portait-elle pas de sabots ?
Les capitaines l'appelaient-elle vilaine ?
Le siège d'Orléans aurait-il pu tourner au vinaigre ?

Quel rôle a pu jouer ce Dom Rémy dans la jeunesse de Jehanne ?
Qui a gardé ses moutons en son absence ?
Est-ce vrai que Charles VII a déclaré : «  Une Jehanne Chinon rien ! » ?
En 1429, peut-on accrédité la présence d'un dauphin dans la Vienne ?
En sacrant Charles VII à Reims, a-t-elle sabré le Champagne ?

Pourquoi a-t-elle abandonné ses blancs moutons pour des veaux couleur ?
Était-il dans de beaux draps pour passer l'hiver à Sully ?
Que s'est-il réellement passé entre Jehanne et Charles ?
Est-ce elle qui a mis de l'huile sur le feu à Reims ?
Charles a-t-il été oint avec l'huile Dunois ?

Pourquoi Jehanne se met-elle en colère contre La Hire ?
La pucelle a-t-elle tiré un trait sur Gilles de Rais ?
Peut-on dire qu'elle a mis une pâtée aux Anglais à Patay ?
Jehanne avait-elle une maladie du siège ?
Une bergère peut-elle être bien dans son assiette à cheval ?

Peut-on affirmer que Jehanne ait eu le feu sacré ?
Pourquoi ce Cauchon lui a-t-il joué un sale tour ?
Est-ce par ce que je n'ai pas assez buché cette histoire que j'ai eu une mauvaise note ?
Peut-on prétendre que Jehanne fit des étincelles ?
Est-ce pour éviter qu'elle parle qu'on l'a faite stères ?

Quel calcul firent les Anglais avec ces bûchettes ?
Va-t-on libérer un jour Orléans de cette célébration johannique ?
Jehanne avait-elle des acouphènes ?
Jehanne avait-elle des voix intérieures ?
Est-ce à cause de ses voix qu'elle se pensa impénétrable ?

Peut-on considérer la délivrance d'Orléans comme un accouchement symbolique ?
Est-ce en vain que Jehanne demanda la clémence à ses gardes bourguignons ?
Comment se fait-il qu'elle se retrouva en Sainte grâce à Monseigneur Dupanloup ?
En 1920, l'église pensa-t-elle que les cendres étaient enfin froides ?
Jehanne s'est-elle vraiment éteinte le 30 mai 1431 ?

Sa canonisation en 1920 fut-elle destinée à raviver la flamme catholique en France ?
Comment les croyants font-ils pour honorer les reliques de la sainte ?
Pourquoi n'a-t-elle jamais été invitée au grand bûcher ?
Montait-elle à cru avant d'aller sur le bûcher ?
Être prise à Compiègne ne peut-il pas paraître ironique pour une pucelle ?

Est-ce que c'est parce qu'elle porta le pantalon qu'elle se mit à dos les gens de robe ?
Lors de ses interrogatoires, finit-elle par trébucher ?
Si elle fut achetée par les Anglais peut-on affirmer qu'elle ne fut jamais vendue à leur cause ?
Les Anglais jetèrent-ils ses cendres dans la Seine pour se venger de la prise d'Orléans ?
Le rejet de son abjuration dans un cimetière mit-elle le feu aux poudre et sonna-t- elle son glas ?

Pucellement sien.


mardi 20 février 2018

Rue des 3 pucelles


Rue des 3 pucelles


Rue des trois pucelles
Y’avait une donzelle
Qu’aurait donné son corps
Pour une pièce en or
Mais son modeste cul
Ne valait qu’un écu
Mais son modeste cul
Ne méritait pas plus

Elle y comblait pourtant
Tout ses nombreux amants
Qu’elle eut bien mérité
D’être récompensée
Hélas chez les manants
On n’a guère d’argent
Hélas chez les manants
On est fauché tout l’temps

Si elle s’en contentait
C’est qu’elle se doutait
Y mettant tout son cœur
D’leur donner du bonheur
Bien plus qu’leurs épouses
Frigides et jalouses
Bien plus qu’leurs épouses
Quand elles quittent leu’ blouses

Elle était généreuse
Ses formes avantageuses
Promettaient du plaisir
Pour qui aime à jouir
De la satisfaction
Tout le temps de l’action
De la satisfaction
Sans aucune exception

De son pauvre tarif
Bien peu prohibitif
Elle tirait malgré tout
D’quoi joindre les 2 bouts
C’est un sacré turbin
Que celui de putain
C’est un sacré turbin
Le métier de catin

Rue des Trois pucelles
Ils sont venus vers elle
Trois charmants matelots
Oh dieu qu’ils étaient beaux
Elle se donna par jeu
Pour encore moins que peu
Elle se donna par jeu
Et partit avec eux



lundi 19 février 2018

Rituel païen.


Vous passerez bien boire l'apéritif !


  
    Les vacances, les belles soirées de printemps, les fins de semaine sont autant de prétextes à lancer à la cantonade, au voisinage ou aux amis cette magnifique phrase qui ouvre les portes de tous les excès : « Vous passerez bien boire l'apéritif ! »

    Nul ne peut présager de la tournure que prendra l'invite. Parfois, la cérémonie tourne court, les hôtes demeurent étrangement calmes, se limitent à un verre prétextant à juste titre une prise de volant, un départ matutinal, une semaine chargée qui a laissé de vilaines traces. D'autres fois, sans que l'en s'en rende vraiment compte, l'affaire tourne à la bacchanale. Plus rien n'arrête les buveurs qui perdent alors tout contrôle d'eux-mêmes. Entre ces deux extrêmes, il y a une grande variété de situations ivresse et variée du fameux apéritif dinatoire jusqu'à l'impensable : « Vous resterez bien manger les restes avec nous ! »

    Il nous appartient d'examiner ce rituel qui se pense Gaulois tant qu'il est encore autorisé de boire quelques verres entre amis. Les temps sont durs et notre gouvernement à la fâcheuse tendance de vouloir s'immiscer dans nos pratiques quotidiennes, histoire de faire de notre vie ici, un immense torrent de larmes pour que quelques nantis vivent leur vie de Cocagne !

    Tout commence par les préparatifs. Voilà une lapalissade qui ne préjuge rien de bon sur ce que nous allons boire. Par précaution plus que par goût, la plupart des fidèles se tournent vers des amuse-gueules tous prêts. C'est le grand n'importe quoi de la calorie, du sel et du manque de saveur. Cacahouètes, pistaches, noix de cajou, ships  et affreuses saucisses de Francfort trônent sur la table pour le plus grand désespoir de l'esthète. Il y a tant mieux à proposer à notre gourmandise picoreuse.

    Le crudivore aime à marier les légumes entre couleur et saveur. Le concombre n'avance pas masqué mais conserve sa peau pour agrémenter l'assiette et la digestion. La carotte se prête au jeu des formes qui se tiennent ; du bâtonnet à la rondelle, de la fleur à la roue dentée, le radis se conjugue lui aussi de toutes ses variétés, le chou-fleur apporte un peu de poésie. Le diététicien ne trouve pas à redire à ces préliminaires.

    L'éternel Gaulois ne peut se satisfaire de cette entame de raison. Il se précipite sur la cochonnaille comme la vérole sur le clergé. La saucisse -sèche, l'andouille de Vire, le jambon de Bayonne sont les indispensables de cette étale de charcutier. Le cholestérol rôde sournois, au coin de la planche à découper ! Les régionalistes aiment à apporter le grain de terroir, le foie gras y joue le rôle titre mais a rien n'échappe à la diversité de nos provinces.

    La cuisinière ou le maître queux se mêlent aussi de la chose. La pâte feuilleté se joue de toutes les chausse-trappes pour agrémenter tout ce qui peut traîner en réserve. Du crottin de Chavignol à la sucrine du Berry, des fromages de notre France aux produits de la mer, il est possible de passer au four l'ensemble de la production nationale de qualité.

    La table ploie sous les possibles, il faut néanmoins trouver une place pour les prétextes de la fête. Ici, point de produits vendus par l'ami Charles Pasqua. Seul le vin a droit de cité. Tricolore, il réveille la fibre patriotique de celui qui a depuis toujours offert son foie à la viticulture française.
Blanc- Rosé, Rouge, avec ou sans bulles, sec ou doux, nature ou cuit, fermenté d'épines noires, d'oranges amères, de noix vertes ou de feuilles de pêchés le vin est au centre de la table en majesté.

    Il tolère quelques crèmes de cassis ou de mûres, de framboises ou de safran pour aller sur des chemins de traverses. Mais le « nature » est la plus belle des manières d'honorer le Nectar des Dieux que nous allons devenir au fil de la soirée. Quelques verres, bus nécessairement avec modération vont libérer la parole et colorer les joues. À la vôtre !

    Épicuriennement vôtre.



dimanche 18 février 2018

Faire un trou dans la rivière


Faire un trou dans la rivière



Il n’y avait pas plus belle fille à marier
Que Marina, la gentille lavandière
Mais elle posait une condition : pour l’épouser
Il fallait faire un trou dans la rivière

De tout le pays, des prétendants accourent
Pour relever le défi de la demoiselle
Beaucoup perdirent leur honneur dans l’aventure
Ils ne percèrent pas le secret de la belle

Quand un plus malin que les autres la convia
À venir le rejoindre en haut du pont Royal
Gentiment lui demanda de se pencher là
Un tourbillon creusait l’eau en son chenal

Ce n’est pas cette anneau que me fera céder
Tu n’es pas responsable de sa formation
J’attends de celui qui voudra m’enlever
De faire preuve d’un peu plus d’imagination

Un autre se présenta muni d’une pioche
S’attaqua sans tarder à percer la levée
Bientôt la rivière laissa place à la roche
Face à ce carnage, la fille était désolée

Tu penses ainsi parvenir à me séduire
En arrivant avec de vilaines manières
Tu ne risqueras jamais de me conquérir
En faisant un désert de ma chère rivière

La fille ne trouvait pas chaussure à son pied
Les mois passaient et elle restait célibataire
Quand l'embâcle figea les flots en janvier
Dans tous le pays il faisait un froid polaire

Muni d’un bâton un galant vint lui faire face
Lui offrit sa demande en propos gracieux
Puis se mit en demeure de briser la glace
Il gagna son cœur par ce trou astucieux

Il n’y avait pas plus belle fille à marier
Que Marina, la gentille lavandière
C’est le charmant Saturnin qui l’a épousée
Pour elle, il creusa un trou dans la rivière


Le mystère de Menetou.

  Le virage, pour l’éternité. Il est des régions où rien ne se passe comme ailleurs. Il semble que le pays soit voué aux...