lundi 31 décembre 2018

Le nouvel an du misanthrope.



Ce mois de janvier que je redoute tant



Une unité de plus sur le calendrier et pendant quelques jours, un nouveau monde s'ouvre à vous, c'est du moins ce qu'on veut nous faire croire. Encore grisés par les vapeurs d'alcool d'une fête
délirante, nous croyons quelques instants toutes ces promesses, ces vœux hypocrites ou simplement factices qui ne sont que poudre de vœux de perlimpinpin …


Le plus insupportable pour moi réside dans l'allocution présidentielle, plus indigeste que les agapes qui vont suivre, plus vide de sens et de réalité que les propos de campagne. Pour faire écho, les maires, les présidents de tout et n'importe quoi feront aussi leur petit tour médiatique de la bonne conscience annuelle. Compte tenu du coup de ces fantaisies inutiles, voilà une tradition qui devrait bien prendre fin au nom de la rigueur comme de la décence.

Le moins agréable ensuite est cet échange convenu de sourires et de bises une fois l'an avec ces collègues de travail. Ces instants m'insupportent, je ne vois pas en quoi en ces premiers jours de janvier il faudrait se promettre exactement le contraire de ce qu'on pense le reste de l'année. C'est convenu, c'est toujours la même rengaine répétée sans conviction : «  Et surtout la santé ! »


Puis il y a ces gens que l'on croise tout au long de ce mois indigeste. Ils vous tendent une main cérémonieuse avec le plus parfait sérieux vous déclarent «  Tous mes vœux! ». Déclaration de pure forme, rituel ancré dans une tradition de pacotille, je n'ai vraiment rien à leur répondre. Je hais ce moment obligé qui ne signifie rien.

Il y a encore les amis, les relations qui se fendent d'un message électronique. Je sais qu'ils sont au cœur de la modernité quand je me refuse à user de la toile pour de telles fadaises. Que leur répondre ? Par précaution, j'ai une fois encore questionner et décliner ce délire des vœux. Je pourrai leur servir en guise de réponse un billet d'humeur. Comprendront-ils le sens de cette réponse quelque peu déplacée ?

Pratique devenue obsolète, il y a encore quelques conservateurs archaïques qui vous adressent une carte de vœux. Si c'est un bristol écrit d'une belle plume pour transmettre un message personnalisé, je ne peux que m'incliner devant l'effort et leur rendre la pareille. Si par contre, c'est une de ces cartes si cruches qu'elle n'a aucun contenu, j'enrage de ce gaspillage imbécile. Les bonnes intentions n'ont pas besoin d'encourager le délire mercantile !

Il y a encore le flot des SMS. Me refusant à l'usage de cet instrument diabolique, j'échappe à ce tsunami de la modernité. Bien heureux, je n'aurai pas à répondre à ces messages incomplets, mal fichus, déformés et d'une totale vacuité. Quand on aime, on ne compte pas affirment en chœur les opérateurs téléphoniques qui se frottent les mains d'un phénomène parfaitement stupide. J'observe à distance ces braves gogos penchés sur leur portable à l'instant fatidique.

Enfin, il y a les parfaits inconnus qui pendant quelques heures vont vous embrasser comme plâtre et vous souhaiter tous les bonheurs du monde. Rassurez-vous, quelques instants plus tard, au volant ou bien en toute autre circonstance, ils pourront tout aussi bien vous couvrir d'injures. C'est que la trêve ne dure jamais bien longtemps. Notre vie quotidienne est désormais une guerre de chacun contre tous les autres.

Parfaitement, incurablement, définitivement misanthrope, je ne vous souhaite rien. N'attendez pas de moi que je me fende d'un vœu ou bien d'une révérence, ce n'est pas le genre de la maison. Je préfère garder ma salive pour tout au long de l'année, saluer mes semblables, dire merci à tous ceux qui me rendent un service, fut-il partie intégrante de sa tâche et quand le cas se présente avoir toujours un mot courtois et de réconfort pour un quidam en détresse. Les grimaces ne sont pas pour moi, bien qu'elles soient pour quelques jours de saison. Je ne veux m'y résoudre !

Misanthropement vôtre.

Photographies de
Yannick Bouron

dimanche 30 décembre 2018

Mon village d'en-France.


L'âme niaiserie !



C'est un village lové au creux de ce Fleuve impétueux que j'ai toujours chéri. Un Château fort qui s'est paré de la délicatesse d'une renaissance discrète, célèbre la Loire en s'en protégeant par des douves paisibles. Un pont qui ne fut pas le mien, remplace son prédécesseur, suspendu au dessus de l'eau jusqu'à un jour de trop grand gel !

La belle demeure de Maximilien, le Duc de ces lieux, héberge chaque année un festival de musique prisé du mélomane. Le lundi, le canton se presse sur les foirails pour un marché foisonnant, grand Capharnaüm de tissus, de bibelots et de nourritures variées. Rien n'empêcherait les gens du Sullias de se rendre à ce rendez-vous inscrit dans les gènes locaux.

Le village est devenu petite ville, il a grandi autour de cet ovale enserré par ces boulevards et sa grande rue commerçante. Le Château et son parc constituèrent l'échappée sage des autochtones en mal de sortie. La Loire se réservait les plus aventureux, son amont y est sauvage, inquiétant et le plus souvent abandonné des hommes.

Porte d'une Sologne toute proche et d'un Berry pas si éloigné, il ouvre le bal à ce Val langoureux qui vous conduira par Saint Benoît et Germigny des Prés jusqu'au plus lointain de notre passé médiéval. La levée se dresse, fierté de ce Ministre Royal qui pris le nom de sa bonne ville, elle protège des colères de ces crues soudaines et violentes, elle accueille maintenant le cycliste itinérant, sur un terrain si plat, que le grand vent de galerne devient col infranchissable.

Il ne faut pourtant pas lui tourner le dos. Vous apercevriez alors de vilaines tours crachant la fumée d'une fission nécessaire à une modernité qui a, en ses premiers temps, mis nos mariniers à quai. De trop rares fûtreaux lancent la grand voile carrée pour commérer la lenteur d'un Monde allant encore à son pas.


J'ai grandi au cœur de ce village, avec une fois par mois par les cris stridents des cochons qu'on négoce. Souvent, c'était la cardeuse paternelle qui réveillait le voisinage pour qu'avant le soir, le matelas de laine puisse accueillir le sommeil des siens. Je n'imaginais pas alors devoir quitter ce bonheur simple, ce village où le temps prenait la vie à l'endroit.

Depuis, j'ai intégré l'austère Cenabum. Cette préfecture inhospitalière qui se pense encore capitale d'un royaume déchu. La Loire y est prisonnière des exigences commerciales, un dhuy détourne son cours, un canal s'enfuit vers la capitale réelle, un chemin de fer confus, termine sa voie au cœur des embouteillages inextricables.

En mon village, le dimanche était jour d'activité, de commerce ou de messe. La ville s'éveillait et jusqu'à l'heure apéritive, elle bruissait des conversations, des rencontres espérées ou des plus occasionnelles. Les gens s'y mélangeaient sans souci des couches sociales, des fonctions ou des origines qui n'étaient pas encore barrières infranchissables.

En notre grande ville, le dimanche est jour de morosité, un désert dépressif balayé par le vent qui s'engouffre jusqu'à la cathédrale. On ne discute pas, on se rencontre pas, on ne se mélange pas. Chacun chez soi ; Dieu reconnaîtra les siens et brûlera les autres ! Même l'héroïne inévitable de ce lieu figé à jamais en son passé glorieux eut droit à ce traitement fâcheux !

Je ne suis pas certain que mon village d'antan soit demeuré le même. Je redoute que la belle harmonie de notre enfance ne soit plus. Pourtant mon cœur bat toujours pour ce village d'en-France et ceux qui partagèrent alors mes émois.

Sulliassement vôtre.


samedi 29 décembre 2018

Chez Madeleine



Je lui dois tant.



Le jour où un ouvrage écrit de ma plume va voir le jour, permettez-moi d'évoquer l'une de ces libraires qui étaient la gloire de notre pays quand celui-ci était encore fier de sa culture et de sa langue. Depuis, les librairies ferment les unes après les autres, attaquées par un géant de la vente par correspondance qui attire dans ses filets des gens bien trop pressés, pas assez conscients pour comprendre qu'ils mettent en danger l'exception culturelle française.

Qu'aurais-je été sans Madeleine ? Un gamin qui n'avait que quelques livres chez lui, bien peu pour alimenter sa gourmandise et ses curiosités. Quelques romans d'enfance, perdus sur une étagère qui, curieusement, était dans les toilettes. C'est sans doute là que j'ai découvert le bonheur ineffable de la lecture, sur une chaise percée ; une perversion pour les uns, une bien étrange manie pour les autres et une source permanente d'énervement et d'impatience pour les miens …

Sans Madeleine, j'en serais resté aux aventures du petit rat Justin et des quelques beaux livres glanés lors de la remise des prix. J'évoque ici, cette belle tradition qui sombra après mai 1968, quand les villes offraient un livre aux enfants, à la fin de l'année scolaire. Hélas, il y avait dans cette belle pratique l'expression du mérite, valeur qu'il fallait rayer de la carte scolaire. Depuis, on a pu apprécier les dégâts que continue de faire cette posture suicidaire.

Quand j'avais un bon moment de libre devant moi, je prononçais cette phrase rituelle que mes parents supportaient sans rien dire : «  je vais chez Madeleine ! ». J'accompagnais cette déclaration en plongeant la main dans la caisse de la boutique pour prendre juste ce qu'il me fallait pour assouvir mon vice. Jamais mes parents ne m'ont rien dit, comme s'ils avaient compris qu'il y avait là dépense raisonnable.

Je traversais la petite ville en prenant le chemin le plus rapide, habitude qui n'était pas souvent la mienne. J'aimais tant déambuler dans ce village qui sentait bon la douceur de vivre en bord de Loire. Mais là, le but était clairement défini et j'allais d'un bon pas jusqu'à la librairie de la dame. Pour nous tous, elle était Madeleine, petite femme dynamique, bienveillante, souriante, toujours bien mise et soignée de sa personne. C'est du moins ainsi que je la vois encore.

Sa librairie, qui existe toujours, gardée avec passion par le fils Morin, jouxte la poste. Un symbole fort à l'époque où l'écrit n'avait pas été encore réduit en poussière par la vague des télécommunications. Il fallait gravir quelques marches pour pénétrer dans ce palais du livre, capharnaüm plaisant dans lequel je me perdais avec délice.

Madeleine me souriait et me laissait fouiller, fouiner, farfouiller, baguenauder chez elle, sans se soucier du temps et des livres que je dévorais. Elle savait que je ne partirais jamais avec un ouvrage dissimulé dans mes poches ; cela aurait été inconcevable en cette époque courtoise. Elle n'ignorait pas non plus qu'à la fin de mes voyages, je lui achèterais un nouveau trésor.

C'est ainsi que, des années durant, j'ai découvert bien des collections, bien des auteurs. Mes goûts et mes achats ont évolué naturellement avec l'âge. Ils ont évolué, toujours avec les conseils discrets de la gentille libraire. Elle a su me faire découvrir la littérature après m'avoir laissé épuiser ma soif d'aventures plus faciles.

Je passais tellement de temps que j'en oubliais parfois de regarder l'heure. Je me souviens encore, le rouge au front, de cet après-midi … J'avais découvert « Clochemerle », cette belle farce truculente qui m'a sans doute sournoisement influencé dans biens des domaines. Je jubilais, je feuilletais ce livre en oubliant cette furieuse envie d'uriner qui finit par m'être fatale. C'est le pantalon souillé que je m'enfuis de la librairie sans avoir pris ce livre !

J'avais honte et je fis le grand tour pour rentrer chez moi en passant le long des douves, loin des rues commerçantes. Après un retour en dignité, je retournai pourtant, bien vite, sur les lieux du forfait pour acheter ce livre, cause de mon déshonneur. Madeleine fit semblant de rien ; je lui en sus gré.

Les années ont passé. Depuis bien longtemps, j'ai quitté mon village mais il est un passage que je ne manque jamais de faire. Il me faut gravir les petites marches et pénétrer chez Madeleine ; même si elle n'est plus là depuis bien longtemps. Je retrouve cette ambiance incomparable ; je retombe en enfance et en lecture.

J'espérais alors que mes ouvrages fussent dans la vitrine de chez Madeleine. Hélas il n'en fut rien, le libraire et mon ancien éditeur étaient en conflit. Ce ne fut qu'un rêve illusoire. J'en ai encore les larmes aux yeux. J'aurais tant aimé que Madeleine soit encore là pour me servir un livre : un des mien ! C'est à elle que je dois cette belle aventure de l'écriture ! Une autre librairie s'est ouverte à Sully : "Au temps des livres !" C'est là qu'on peut encore trouver le dernier roman s'il en reste encore un exemplaire. Aurélie a remplacé Madeleine, la vie continue et la lecture aussi.

Dédicacement sien.



vendredi 28 décembre 2018

Littéralement ...



L'aventure est au creux de votre main.



Il était une fois un vieil homme qui s'ennuyait. La vie l'avait laissé sur le bord de la route, à moins qu'il ne fût lassé de la vie elle-même. Il allait sans envie ni désir, regardant s'écouler les heures et les jours avec une monotonie sans espoir. Son corps avait suivi le chemin de son mal-être, se signalant à lui en maintes douleurs, en multiples signaux d'alerte. Quand on est ainsi, la vie s'étiole et ne tarde pas à vous devenir intolérable.

Pourtant, c'est au plus profond de son marasme que notre ami Ange trouva en lui les ressources pour retrouver joie et jeunesse, dynamisme et bonheur. Bien sûr, la chose va paraître improbable aux esprits cartésiens. Que ceux-là passent leur chemin et continuent de conseiller des psychotropes et des consultations douteuses ! Le remède dont je vais vous livrer le secret n'est pas de nature à enrichir les mandarins

Ange n'était plus le bel hédoniste, si fier de son prénom alors. Il passait désormais pour un mauvais diable en fin de partie. Il décida de mettre un terme à cette inexorable descente aux enfers d'une bien étrange manière. Ange choisit un livre : un de ces livres d'aventures qui avaient bercé sa jeunesse. Il relut « les Trois Mousquetaires » et sélectionna une page après bien des hésitations.


Il se rêvait d'Artagnan et, en ce passage, son héros vivait des aventures exaltantes. Il se concentra longuement, fit le vide, pratiqua bien des exercices respiratoires pour enfin, après de nombreuses vaines tentatives, parvenir à se glisser dans cette page. C'est alors qu'il vécut en boucle le petit récit dans lequel il avait posé ses bagages de voyageur littéral !

Il était d'Artagnan, vigoureux, intrépide, ardent, jeune et beau. Il affrontait les périls et sortait vainqueur des méchants pour les beaux yeux d'une belle. Quel bonheur ! Hélas, Ange était à l'étroit dans sa page ; le récit manquait d'envergure, l'aventure ne s'achevait pas en si peu de lignes. Il revenait frustré de son expérience à chaque fois.

Il lui fallut améliorer la technique, se concentrer plus encore, choisir un autre livre pour pénétrer plus avant dans l'exaltation de l'intrigue. Il se fit fort de conquérir une double page, un espace plus important où l'action prenait plus de place, où son héros avait plus joli rôle encore et, si possible, quelques doux baisers. Dumas se montra vite décevant de ce côté-là. Ange décida de chercher ailleurs, d'aller du côté des « Chevaliers de la table ronde » pour trouver rôle à sa convenance.



Il jeta son dévolu sur Accolon, simplement pour être aimé de la fée Morgane. Ange était ainsi ; il avait aimé les femmes au-delà du possible et c'est par elles qu'il voulait retrouver ses tendres années. Il plongea dans un nouvel univers. Il était enveloppé de mystère, de forces surnaturelles. Il revenait de ses voyages épuisé et fourbu. Le port de l'armure n'était plus de son âge …

Une fois encore, après bien des satisfactions, il se sentit à l'étroit dans cette double page. Il devait absolument travailler tout un chapitre pour vivre pleinement une aventure complète, aboutie, achevée. Le choix du livre s'avérait essentiel, il devait se retourner vers les feuilletonistes. Un joli récit concentré, haletant, exaltant, l'espace de quelques pages.


Il serait Boro le reporter. L'homme était toujours entouré de jolies femmes, vivait dangereusement dans une Europe sous le joug du Nazisme. Ange allait pouvoir lutter contre les forces du mal, porter fièrement son prénom et séduire des belles. Il partit à nouveau au plus profond du bonheur livresque. Il se fondit, des heures durant, dans un chapitre qui lui permettait de voyager, courir des dangers et aimer à la folie.

Il sortait de sa lecture avec une vigueur incroyable. Ange se métamorphosait. Il oubliait ses douleurs, retrouvait la jambe alerte et l'humeur pétillante. Il s'autorisa à nouveau quelques joyeux excès. Il allait mieux, au grand dam de son médecin et de ses enfants. Ceux-là, ne pouvaient imaginer les raison du miracle …

Hélas, Ange en eut assez d'être pourchassé par les nazis. La Gestapo n'est pas de nature à faire jouir pleinement des délices de la vie. Il lui fallait trouver un autre livre de chevet. Un livre merveilleux qui lui permettrait de passer d'étape en étape, de vivre une myriade d'aventures. Il confia à Shéhérazade le privilège de le conduire par le cœur. Mille et une nuits, c'était déjà beaucoup ; il suffisait de vivre plusieurs fois chaque nuit pour disposer d'un temps infini en voluptés et plaisirs.


Ange se fit Persan, vieux matou ronronnant au retour de chaque voyage sur son tapis volant. Il allait de mieux en mieux, il rajeunissait. Il devinait bien qu'il se passait quelque chose d'étrange dans son corps comme dans son âme. Il profitait de sa transformation sans plus s'en inquiéter. Il était devenu la doublure des héros de son livre. Il vivait par procuration.

Puis tout bascula étrangement. Un autre livre, un roman que son auteur avait intitulé « Tendresse » avant que de devoir changer de titre. Dans ce grand roman fripon, Ange voulait essayer sa nouvelle vigueur. Cela le fit basculer totalement. S'en sans rendre compte, Ange, à force de s'immiscer dans le récit, en devint le garde-chasse plein de vigueur de la charmante Constance. Il ne s'en aperçut pas ; il vivait ses voyages littéraires sans crainte, pensant en revenir en fermant le livre.



Ce jour-là, Ange ne revint pas. Durant son séjour dans ce magnifique livre coquin, il avait pris la place du héros. Le texte même du livre s'était transformé lors de sa venue. L'intrigue avait subi une métamorphose. Ange n'était plus, ou du moins n'était plus ce vieil homme qui voyageait dans les livres. Il s'était dissout dans son dernier livre, il était devenu l'amant de sa patronne, il s'était glissé pour toujours dans les pages de ce roman.

Quelque temps après, les enfants cherchèrent enfin ce vieux père qui était devenu si insupportable, excentrique, extravagant. Les adjectifs ne font jamais défaut quand on veut qualifier ce qu'on ne comprend pas. Ils manquèrent finalement de mots pour expliquer la disparition de leur père. Les recherches ne donnèrent jamais rien : Ange avait disparu corps et biens.

Il laissa seulement sa bibliothèque à ses rejetons indignes. Ils ne surent qu'en faire. Ces individus résolument modernes faisaient partie de l'immense cohorte des gens qui ne lisent pas. Ils vendirent ce fardeau et oublièrent ce père disparu à jamais. C'est en fouillant chez un bouquiniste que je fis cette incroyable découverte. Je tombai sur deux livres identiques : le même titre, le même récit.



Sur le premier, le héros masculin s'appelait Olivier Mellors . Sur le second, en tous points identique, Ange avait pris la place d'Olivier. Nulle rature, nulle faute de typographie. Sur la couverture, Ange avait écrit une part de son histoire, son désir de voyager dans le monde des livres. Il avait en quelques lignes retracé son expérience. Je n'avais pas besoin de plus pour comprendre ce qu'il avait fini par se passer. Ange avait fait son entrée dans le paradis des lecteurs, il était devenu l'amant de la belle Constance, la pulpeuse Lady de Chatterley.

Puissiez-vous, vous aussi, trouver le livre dans lequel vous aimeriez vous dissoudre. Le Monde est si vilain que voilà un joli refuge pour vivre l'éternité.

Livresquement vôtre



jeudi 27 décembre 2018

Le cimetière des bateaux



Tous couchés sur le flanc
Beaucoup de vague à l'âme
Adieu à l'Océan
Des regrets et des larmes
Personne ne viendra
Respirer les embruns
Finis coup de tabac
Pêche au petit matin


C'est le cimetière
De tous nos vieux bateaux
Un petit coin de terre
Mouillé de bien peu d'eau
Une décharge honteuse
D'épaves oubliées
La mort insidieuse
Des navires échoués

La rouille pour maîtresse
Un désordre englué
Effrayante détresse
Aventure achevée
Nul marin sur le pont
Ni vagues sur la coque
Quille touchant le fond
Du capitaine haddock

Le vent s'engouffre encore
En de lugubres plaintes
Quel sinistre décor
Pour ma pauvre complainte
De leur fierté d'alors
Il ne reste plus rien
Perdus loin de leurs ports
Un ultime chagrin



Cadavres sans amour
Squelettes désossés
Laissés là pour toujours
Au lugubre fossé
Eux qui étaient jadis
Magnifiques coursiers
Ils faisaient le délice
De tous leurs bateliers



C'est le cimetière
De tous nos vieux bateaux
Un petit coin de terre
Mouillé de bien peu d'eau
Une décharge honteuse
D'épaves oubliées
La mort insidieuse
Des navires échoués


mercredi 26 décembre 2018

Nos gens du nord





Ces hommes venus du tréfonds des âges
Ces guerriers si farouches et redoutables
Brûlèrent tout sur leur maudit passage
Eux qui ne furent jamais respectables.

Nos gens du Nord sont venus par la Loire
Sur leurs bateaux ils fendaient les courants
Surgissaient avant qu'on ait pu les voir
Devenant de terribles conquérants

On a fait d'eux des monstres repoussants
Des êtres ignobles sans pitié ni foi
Dans la grande épopée aux faits sanglants
Celle des envahisseurs du Norrois

Pourtant sans ceux-là nous ne saurions rien
De l'art délicat d'aller sur les flots
De l'assemblage des bateaux à clin
Bâbord, tribord seraient encore à l'eau

Inventeurs de la grand voile carrée
Allant de l'avant contre le courant
La bouline, les haubans les bordées
Marins formidables, maîtres du vent.

C'est à bord de leurs drakkars magnifiques
Que les Vikings remontaient la rivière
On les prétendait fort peu sympathiques
On n'a cessé de leur jeter la pierre

Celui qui ne croit pas au même dieu
A un fort mauvais rôle dans l'histoire
Par les Vikings le soleil et le feu
Jadis étaient célébrés sur la Loire

Mais ils nous ont enseigné leur savoir
Nous leur devons d'être de bons marins
Ils méritent ce chant à leur mémoire
Tandis que résonne leur gloire enfin

Nos gens du Nord sont venus par la Loire
Sur leurs bateaux ils fendaient les courants
Surgissaient avant qu'on ait pu les voir
Devenant de merveilleux conquérants 

 

mardi 25 décembre 2018

Fable culinaire …


Le Chapon rôt rouge !



Il a sacrifié les plus intimes parties de lui-même pour être à la hauteur de la circonstance. Nourrit exclusivement d'une bouillie de lait, se refusant obstinément à mettre le bec en plein air, il s'est préparé comme un champion pour l'épreuve de sa vie.

Il a eu cette chance immense d'être couvé du regard, toute son existence, par un exploitant agricole, membre de l'indomptable Confédération Paysanne. Ce titre de gloire lui confère une aristocratie, un titre de naissance qui le distingue de ses congénères, volailles de basses extractions et poulets de grains.

Une charmante fermière, femme ou compagne de confédéré retors (nous ne nous désintéressons de ces informations subalternes) l'a pris sous son aile bienveillante afin d'aborder dans les meilleures conditions morales et physiques, cette dernière ligne droite, si cruciale à la qualité finale de sa chère et tendre beauté intérieure.

Il s'enorgueillit de se retrouver sur la liste des commandes. Il a eut tout loisir de se préparer à son trépas en s'imprégnant du patronyme de cette bonne famille française qui va se régaler de lui. Il eut détesté être vendu en fin de journée, à la sauvette presque, à des imprévoyants, consommateurs à l'improviste d'un animal de haute-cour, pourtant.

Ses acheteurs ont choisi l'éleveur depuis fort longtemps. Une confiance s'est tissé entre eux et son père nourricier. C'est à lui de l'honorer en étant à la hauteur de ce lien plus que commercial. Il se sait attendu au tournant, cette obligation d'excellence transcende son sacrifice et fait de lui un membre (curieuse formule pour celui qui ignore tout de la volupté) d'une lignée qui ne doit pas se tarir.

La blancheur de sa chair, il l'a doit à cette virginité durement acquise. Il espère tomber dans les mains d'un maître queux qui saura en tirer toute la quintessence qu'elle mérite. Il lui faut un bouillon préalable, un bain rédempteur, un baptême « post-mortem » qui lui permettra de monter au bûcher en majesté.

Sa mort doit célébrer le renouveau des jours, la victoire de la lumière sur les ténèbres. Le solstice d'hiver annonce la début d'un nouveau cycle. Il sera accompagné d'un grand vin de Bourgogne, un nectar divin qui lui adoucisse ce trépas à venir.

Il espère un rappel, il ne doit pas être en reste. Personne ne doit être triste quand sonnera l'heure de sa faim. Le Chapon rôt rouge, attend sa dernière heure. Il n'est pas sortie du bois, pour un fin minable. Il affronte les loups, la crête haute et le cœur léger.

Ainsi va la vie de nos volatiles d'apparats. La pièce sera bonne et l'appétit aidant, les convives avides ne s'arrêteront pas en si bon chemin. D'autres protéines animales tomberont sous leurs crocs acérés. La panse bien plus pleine que de raison, ils s'endormiront la conscience moindre lourde que l'estomac.

Et pourtant, s'ils savaient !

Chaponnement vôtre.


lundi 24 décembre 2018

La bûche de Noël …


Entre chêne et houx



Il était un temps si lointain que nulle trace écrite n'évoquera l'histoire que le vent m'a aimablement soufflée au creux de l'oreille. Que les esprits résolument modernes tâchent de se précipiter dans les temples modernes de la consommation pour y faire emplettes et dépenses somptuaires tout autant qu'inutiles et que les autres prennent la peine de se poser près de l'âtre de la cheminée pour m'écouter.

Les hommes d'alors découvraient les mystères de la nature qui étaient encore pour eux sources d'émerveillement et de réflexion. N'ayant pas la prétention de tout savoir ou de vouloir tout plier à leur désir, ils avaient la sagesse d'observer et de chercher à découvrir. En cela, ils étaient bien plus sages que ne le sont nos contemporains, ceux-là même qui conduisent la planète à sa perte.

Nous étions alors au début du commencement. L'homme était partie intégrante de la nature ; il n'en était qu'un modeste maillon de la chaîne. Il allait de par la vaste Terre et cherchait tant bien que mal à survivre. Depuis quelques lunes, le soleil semblait s'éteindre. Plus la succession des jours et des nuits avançait, plus il faisait froid et plus l'obscurité croissait et imposait sa force à une pâle clarté qui se réduisait comme peau de chagrin.

La nature accompagnait cette lente et inexorable progression vers sa fin. Les arbres avaient perdu leurs feuilles, les animaux se taisaient, les fleurs et les fruits n'étaient plus que de très lointains souvenirs. La tristesse et la désolation devenaient le lot de ceux qui sentaient leur fin proche. Tout autour d'eux n'était que grisaille, obscurité, désolation.

Pourtant non, il y avait les houx qui restaient verts. Leurs petits fruits rouge-vif qui étaient apparus lorsque la chaleur et la lumière régnaient encore sur la terre, persistaient obstinément, miraculeusement, quand plus rien ne résistait à la nuit et à la froidure qui recouvraient la nature. À bout de confiance, une femme coupa une branche de houx pour agrémenter sa hutte ou sa caverne. Elle voyait dans ce geste la volonté de réveiller le soleil, de l'honorer en célébrant le dernier fruit qui résistait encore.

Bientôt elle fut imitée en son geste. L'humain est ainsi constitué qu'il aime à copier son voisin. En cette période lointaine, il n'en allait pas autrement. Ce fut une razzia de houx, une folie comme les générations suivantes finirent par nous y habituer. Les forêts s'éclaircirent devant cette coupe claire. De ci-de là, des chênes apparaissaient alors, beaucoup plus accessibles qu'auparavant.

Comme ils étaient hauts ! Comme ils étaient forts ! Comme ils étaient gros ! Mais que l'homme d'alors était démuni devant ces monstres élancés vers un ciel qui avait perdu toute vigueur. C'est un jeune enfant, plus rêveur que les autres, qui eut cette idée folle de réveiller le soleil. Il fit remarquer que nulle plante n'allait aussi haut dans le ciel et que si quelque chose pouvait réveiller le soleil, ce ne pouvait être que ce grand et bel arbre …

Le désespoir était si grand, les nuits si longues, que chaque suggestion était écoutée avec attention. La remarque de l'enfant parut redonner du courage aux siens. Il fallait abattre un géant pour envoyer un signe à l'astre qui s'endormait doucement depuis si longtemps. Les hommes se mirent à l'ouvrage, ils firent tant et si bien, usant de tous les expédients qui étaient à leur disposition, qu'en quelques jours, le grand chêne chut.

Dans sa chute, il se brisa en plusieurs morceaux. Une branche s'était cassée dégageant une petite partie, grande comme un bras d'enfant. C'est vers elle que le gamin s'approcha et déclara : « Il suffit que cette bûche monte vers le ciel et le soleil reviendra ! » Non seulement, il venait d'inventer un mot nouveau ; mais il exigeait une chose qui échappait à la raison. Comment faire monter au ciel un morceau de bois ?

Il eût passé pour un demeuré, un simple d'esprit, si un vieillard, celui qui était chargé de conserver l'amadou et la braise sacrée, n'eût déclaré qu'il fallait essayer de confier la bûche au serpent qui fait des flammes. Nous étions au soir du solstice d'hiver ; la bûche fut dévorée par le feu quand, après bien des efforts, les flammes s'élevèrent vers le ciel. Le lendemain, les jours cessèrent de raccourcir.

Pour les raconteurs d'histoire, il fallait des combats épiques, des rois et des légendes pour expliquer le monde en ces temps où la science n'avait pas encore semé les graines du scepticisme. On évoqua alors le duel du Dieu Chêne et du Dieu Houx. Le chêne en sortait vainqueur au solstice d'hiver, le houx à celui d'été. À chaque fois, un feu de joie accompagnait la victoire de l'un sur l'autre.

Pour Yule, la fête qui nous préoccupe en ce Noël pas toujours aussi catholique qu'on veut bien nous le faire croire, la bûche ira dans le foyer pour célébrer le renouveau des jours tandis que le houx honorera portes et maisons pour apporter sa gaieté et l'annonce du prochain cycle. Car il en fut ainsi depuis le début des temps et il n'y a aucune raison que cela change.

Immémorialement vôtre. 
 

dimanche 23 décembre 2018

Noël en question !


Guirlande réfléchissante …




Pourquoi faut-il que les aiguilles de pin me mettent les nerfs en pelote ?
Un sapin a-t-il les boules quand on le coupe ?
Quelle bêtise a commis un sapin qu'on enguirlande ?
Faut-il couper la buche avec une scie ?
Pourquoi met-on ses deux chaussures sous un sapin qui n'a qu'un pied ?

Les rennes du père Noël aiment-elles la galettes des rois ?
Faute de mieux, qui veut bien faire l'âne ?
Qui se charge de changer la paille dans l'étable ?
Est-ce pour supporter les odeurs de chaussures que le père Noël porte une hotte ?
Est-ce sa tournée qui barbe ainsi le père Noël ?

Peut-on téléphoner au père Noël en PCV ?
Pourquoi le traîneau du père Noël passe-t-il au rouge ?
Peut-on écrire sans faute au père Noël ?
Les huîtres croient-elles aussi à la magie de Noël ?
Pourquoi faut-il qu'un sapin domestique clignote ?

Pourquoi le chapon ne trouve-t-il aucun charme à la dinde ?
Le paquet n'est-il pas plus important que le cadeau ?
Les enfants font-ils des listes par crainte d'oublier Noël ?
Peut-on avancer la messe de minuit à une heure plus chrétienne ?
Le pape croit-il aussi au père Noël ?

Le petit Jésus portait-il vraiment une culotte de velours ?
Un réveillon peut-il tourner au cauchemar ?
Marie eut-elle le temps de préparer le repas ce jour-là ?
Les rois mages apportèrent-ils le mir pour faire la vaisselle ?
Par où passe le père Noël quand il y a un chauffage par le sol ?

Jusqu'à quel âge le père Noël va-t-il croire en lui ?
Le petit Jésus a-t-il été pistonné pour obtenir une place dans une crèche ?
Le père Noël et le pape sont-ils de même essence ?
Est-ce parce qu'il porte une pelisse que le père Noël n'est jamais inquiété par les agents ?
Peut-on considérer que la crèche est une niche maritale ?

Certains finissent sur la paille mais que dire de celui qui commence ainsi ?
Peut-on faire un cadeau quand on est sans-papiers ?
Les pères Noëls de nos super-marchés ne sont-ils que de pâles copies ?
Pourquoi le père Noël n'a-t-il pas préservé son droit à l'image ?
Pourquoi tous ces réveillons me laissent-ils sur ma faim ?

Pourra-t-on encore croire au père Noël en 2018 ?
Est-ce que le père Noël se charge aussi des cadeaux fiscaux de Freluquet ?
Peut-on imaginer que le père Noël fasse grève sans qu'il soit remplacé par des postiers ?
Le réchauffement climatique incommode-t-il le père Noël et son équipage ?
Faut-il illuminer votre maison pour signaler votre présence au livreur de cadeaux ?

Si vous commandez des pizzas pour cette nuit là, viennent-elles en traineau ?
Que peut bien faire le père Noël le reste de l'année ?
Pourquoi dit-on la magie de Noël puisque le père Noël n'a ni chapeau ni baguette ?
Dans les magasins, faut-il mettre le paquet uniquement sur Noël ?
Me ferez-vous le cadeau d'un commentaire pour cette aimable plaisanterie de la nativité ?

Iconoclastement vôtre.


samedi 22 décembre 2018

La belle histoire du sapin de Noël


L’épicéa de Noël



Il était une fois un petit arbre chétif perdu dans une grande et vaste forêt peuplée de grands arbres fiers. Le malheureux était écrasé par la hauteur et la puissance de ses voisins. Il avait à subir leurs moqueries tout autant que leur mépris. Il s’en désolait d’autant que lorsque des enfants passaient non loin de lui, ils n’avaient pas un regard pour lui.

Le brave petit sapin voulait qu’on lui accorde un peu de considération, lui qui contrairement aux feuillus prétentieux gardait ses épines toute l’année. Il en vint à les jalouser, se mit à croire que c’est parce que, à l’automne, ils se parent de toutes les couleurs avant de perdre leurs feuilles qu’ils étaient ainsi l’objet de l’admiration de tous.

Il en appela à Merlin, le mage de la nature, le brave sorcier qui vivait non loin de là. « Gentil Merlin, accorde-moi des épines de toutes les couleurs. Que l’on me regarde enfin ! » Merlin s’amusa de cette requête, elle lui sembla quelque peu déplacée, le vert sied aux arbres pour assurer la fonction chlorophyllienne, mais le sapin était bien trop petit pour comprendre cela. Il demanda aux lutins de la forêt de venir peindre les aiguilles de leur ami à la condition de prendre une peinture à l’eau pour ne pas le tuer.

Ainsi fut fait selon le désir du petit arbre. Les lutins firent si bien que les enfants s’arrêtaient devant le sapin, s’exclamant devant cet arbre de toutes les couleurs. Ils firent grande ronde autour de lui. Mais l’hiver approchait, la pluie chassa tout les gamins de l’endroit et quand ils revinrent, ses épines avaient retrouvé leur couleur verte.

Le petit sapin avait connu son heure de gloire, il devait s’en satisfaire. C’est alors qu’il remarqua qu’à l’approche de Noël, les adultes venaient dans les bois ramasser des branches de houx et du buis pour décorer leurs demeures. Il en fut jaloux et s’interrogea sur cette curieuse préférence. « Voilà deux plantes qui gardent leurs feuilles, qu’ont-elles de plus que moi ? »

Il se gratta le faîtage avant de comprendre que les petites boules rouges devaient égailler les intérieurs austères au moment de cette belle fête. Il sollicita une fois encore son ami Merlin. « S’il te plaît gentil mage, demande à tes lutins d’aller chercher des pommes de toutes les couleurs dans les bois et de les accrocher à mes branches ! » Ce qu’on demande à Merlin quand on est sage, on l’obtient toujours.

Les lutins choisirent des petites pommes rouges et d’or qui donnèrent à notre épicéa fière allure. Une fois encore, les enfants se précipitèrent pour l’admirer. Ils s’exclamèrent avant que de voler un à un les jolis fruits pour les dévorer. Le petit sapin se retrouvait à nouveau nu et abandonné, n’ayant plus de raison d’attirer l’attention.

La Nuit de Noël arriva, le ciel se para cette nuit -là de milliers d’étoiles. Que c’était beau, que c’était émouvant. Le petit sapin levait les yeux au ciel. Il se dit que jamais il n’avait vu plus merveilleux spectacle. Il eut alors une idée et une fois encore sollicita Merlin. « Gentil mage, pourrais-tu ordonner à tes lutins de décrocher quelques étoiles au ciel pour venir les poser sur mes branches ? ».


Merlin ne voulut pas contrarier l’épicéa. Dans sa naïveté, il ignorait sans doute que l’on ne peut décrocher pas plus la Lune que les étoiles. Il se dit qu’il pouvait mettre à l’ouvrage ses lutins et leur demanda de découper des étoiles dans des cartons dorés et pour faire bonne mesure, de leur associer des bougies éclairées pour leur donner la lumière du ciel.

Les lutins firent ainsi et le lendemain, jour de Noël, le petit sapin brillait de mille flammes. Les enfants, qui en ce temps lointain n’étaient pas couverts de cadeaux, avaient encore du temps après avoir mangé le pain d’épices et l’orange qu’on leur avait offerts, pour courir les bois. Ils se précipitèrent autour du sapin magnifique. Lui firent des compliments pour sa beauté. Le petit sapin était aux anges.

Les bougies finirent par s’éteindre, les étoiles en carton doré tombèrent elles aussi au fil du temps. Le sapin pourtant avait cette fois conservé l’amitié d’un enfant qui avait aimé toutes ses transformations. Il venait chaque jour lui rendre visite, lui parlait, lui disait qu’il avait une belle idée et qu’il devait patienter une année pour retrouver son jour de gloire.

Le sapin était heureux. Il avait un ami. Il n’en demandait pas plus. Le temps passa ainsi jusqu’au Noël suivant. Quelques jours avant, l’ami du sapin arriva avec son père. L’homme avait une pelle à la main. Il fit un grand trou autour de l’arbre, le déposa délicatement dans une vaste caisse remplie de terre. Puis tous deux flanqués du sapin, rentrèrent chez eux.

Durant cette curieuse journée, le gamin accrocha des pommes de toutes couleurs sur les branches de son ami, il ajouta des brins de laine pour retrouver les couleurs de l’automne et découpa à son tour des étoiles dorées. Il fixa aussi quelques bougies et ainsi fit le premier sapin de Noël. La maison de l’enfant brillait dans la nuit. Tout autour, des curieux vinrent regarder par la fenêtre cet arbre qui donnait de la couleur à la plus longue nuit de l’année.

Parmi eux, Merlin vint lui aussi faire le curieux, flanqué de ses lutins. C’est l’une de ses petites créatures qui glissa quelque chose à l’oreille du vieux magicien. Le temps était passé pour lui de créer le monde. Il s’ennuyait depuis quelques temps et la belle idée du lutin fit son chemin. L’année suivante, la nuit précédant Noël, toutes les maisons du pays avait leur sapin décoré. Des sapins dans des caisses remplies de terre afin de les replanter ensuite.

Merlin, quant à lui s’habilla d’une grande cape rouge, demanda à ses lutins de préparer des pains d’épices et des oranges pour tous les enfants du Monde. Toute la nuit, là où un sapin était décoré, il déposa à ses pieds quelques friandises pour les gamins de la maison. Merlin n’était plus, il devint ce soir-là le Père Noël, il restait un gentil magicien et cette fois, il aurait désormais du travail pour les temps à venir.

C’est ainsi que cette merveilleuse histoire n’aurait jamais débuté si un petit sapin n’avait pas voulu se faire beau. Merlin retint la leçon et mit désormais comme condition pour récompenser les enfants qu’ils aient été sages durant l’année. J’espère qu’il n’a pas oublié cette réserve, de nos jours, ils ont trop tendance à penser que tout leur est dû.

Sylvestrement leur


vendredi 21 décembre 2018

Loire dépotoir.





 
Photo REP

Celui qui aime le fleuve déplore de le voir ainsi souillé et malmené par des comportements qui ne cessent de m'indigner. Plus le Fleuve revient au premier plan, plus il est mis en avant par les villes et les collectivités, plus se pressent sur ses berges quelques personnes qui ne savent pas se tenir, ni contenir leurs déjections.

Nous voyons sur le cours de son onde, aller à la dérive, une armée de bouteilles plastiques qui conduisent à la mer l'insondable mépris d'une société mercantile. Et encore nous ne voyons là que la face visible de ces bouteilles de soda. Ceux qui ont jeté celles-ci ont fait l'effort de remettre le bouchon, d'autres jonchent pour l'éternité les fonds invisibles.

Pire encore, il y a désormais la foule immense et malfaisante des buveurs de bière. Il doit y avoir dans cette consommation particulière l'obligation de jeter à l'eau la canette vide. Mais cela doit se faire avec éclats, il faut disperser la marque du forfait, fracasser le contenant sur quelques quais ou bien de gros cailloux sur la rive. Que c'est beau ces petits fragments qui brillent au soleil et entaillent à plaisir le pied de celui qui voudrait patauger !

Ils n'ont rien à envier aux nouveaux orduriers. Ceux-là aiment à passer la nuit. Ils boivent des boissons sur-vitaminés dans des contenants métallisés. C'est à peine compressé que l'objet du délire ailé finit son parcours au fil de l'eau ou le plus souvent sur les herbes des rives. Expression même de la modernité, ces boissons infectes jonchent nos rivières et nos bords de route sans que jamais leurs immondes fabricants ne soient taxés au nom d'une responsabilité objective.

Puis il faut laisser un peu de place pour le plat principal. La restauration rapide n'aime pas la nature, ses emballages imputrescibles l'attestent mieux qu'un long discours. Les mangeurs à la va vite, font preuve, comment les en blâmer, de mauvais goût en laissant là ces objets cubiques, des pailles rouges et blanches et des gobelets contenant un poisson officiel. Maintenant la Loire, elle aussi hérite des déchets de notre indigeste société de consommation.

Il reste encore le tout venant du mépris. Le vélo qu'on a volé et qui finit à l'eau. Il rejoint les gros encombrants qui aiment décorer les levées et les digues. Même si la chose se fait plus rare, elle demeure encore, car il ne faut pas rompre trop brutalement avec les mauvaises habitudes. Par contre, il y a un geste anodin qui n'a aucune chance de s'interrompre, c'est le jet de ce mégot abominable qui finit dans la Loire. Vous savez désormais que ce geste que vous pensiez insipide, pollue 600 mètres cube d'eau, un argument qui vous laissera de marbre à n'en point douter !

Voilà tout ce que nous voyons de nos bateaux de bois qui ne sont nullement épargnés par vos gestes orduriers. S'ils sont à quai, ils seront alors un réceptacle ludique pour jeter tout ce qui vous passe par la main. S'ils sont à portée de visite, vous ne pourrez résister à un petit arrêt, pour un pique-nique, une soirée desquels vous partirez sans rien nettoyer. Non seulement, ces embarcations sont fragiles, elles sont également propriété privée ce qui ne semble nullement vous déranger.

Hélas tout ceci n'est rien par rapport aux poids lourds des coups tordus pour le fleuve. Centrales nucléaires, usines de traitements des eaux, industries polluantes, agriculteurs traiteurs, pyralène et pire que tout, l'homme en majesté qui ne cesse de souiller tout ce qui l'entoure. La Loire est le terrain préféré de tous ces joyeux gougnafiers sans respect ni conscience.

Quand cesserons-nous de nous conduire ainsi ? Faut-il que notre espèce disparaisse enfin pour que toutes les autres cessent de subir ses attaques putrides, ses petits gestes anodins qui font tant de dégâts, de comportements égoïstes et stupides en malversations organisées et programmées ?

Laissez la Loire et tous les autres fleuves et rivières. Contentez-vous de les regarder sans jamais rien y jeter. Ce sera un premier pas, nous nous en prendrons ensuite aux brigands patentés, pollueurs officiels et industriels merdeux !

Colériquement vôtre.




jeudi 20 décembre 2018

Mes habitudes


AVEUX



Elles sont parfois pénibles
Mes habitudes
Elles souvent visibles
Mes habitudes
Quand elles deviennent usantes
Mes habitudes
Je dois remonter la pente
Des certitudes


Elles sont parfois nuisibles
mes habitudes
Elles souvent risibles
Mes habitudes
Quand elles se font méchantes
Mes habitudes
Elles deviennent affligeantes
Mes attitudes


Elles sont parfois cruelles
Mes habitudes
Elles souvent rebelles
Mes habitudes
Et qu'elles se fassent manies
Mes habitudes
Je dois changer de vie
Vicissitude


Elles sont parfois si belles
mes habitudes
Elles sont souvent pour Elle
Mes habitudes
Quand elles se font envies
Mes habitudes
Je retrouve ma mie
En gratitude




J'aime le vin d'ici : notre bon petit gris ...

  Que bois-tu Chalandier ? Que bois-tu Chalandier ? Ton verre est tout vidé Quel est ce doux délice Qui te met en supp...