lundi 11 décembre 2017

Comme un caillou dans l'eau …


Conte de l'Avent
L'onde de choc !



Mon cher Victor, quand je t’ai rencontré la première fois, tu jetais des cailloux dans l’eau. Écoute cette histoire, j’espère que tu oublieras cette mauvaise habitude. Ton pantin, ce cher Pitchoune dont tu m’as si gentiment confié la garde te salue, il a aimé ce récit que je lui ai soufflé à l’oreille.

Il était une fois une famille qui vivait en bord de canal et de Loire. Leurs ancêtres avaient été bateliers ou mariniers. Il en restait un profond amour de l’eau, des poissons et de la nature. C’est ainsi que les enfants étaient élevés dans le respect des cours d’eau. C’est Rohan, le dernier représentant de cette tradition qui me confia ce récit que je me fais un plaisir de t’offrir.

Rohan me raconta que lorsqu’un enfant jetait un caillou dans l'eau, pour jouer ou bien passer le temps, il se trouvait toujours un aîné pour venir lui recommander gentiment de cesser ce geste inconséquent. Le plus vieux disait alors au plus jeune « Tu sais, si tu jettes ainsi des cailloux dans l'eau et si chacun de nous fait la même chose, il va y avoir au fond un tas si gros, que jamais plus les bateaux ne pourront naviguer sur ici ! » L'enfant, attentif, comprenait le message. Plus tard, à son tour, il reprenait cette remarque à son compte pour que les cailloux restent sur le chemin de halage ou en bord de rive.

Rohan, ce jour-là se promène au bord d’un canal tenant par la main Aima, sa petite fille. Le père et la fille aiment ces promenades durant lesquelles ils observent les oiseaux, les fleurs et se racontent quelques secrets comme le font souvent les papas avec leurs filles. En face d’eux arrivent une mère tirant par le bras un petit garçon qui traîne la jambe. (C’est une expression pour dire qu’il n’était pas très content de marcher).

La mère n’a aucun regard pour son garçon. Elle téléphone, elle semble très occupée par sa conversation. Son garçon s’ennuie, il aimerait que sa mère lui parle, il a rempli ses poches de cailloux et tous les vingt pas environ, il en jette un dans le canal d’un geste de dépit plus que par jeu. Il semble triste, Aima en a la certitude.

Quand il arrive près d’eux, Aima sourit au garçon, le regarde droit dans les yeux et lui dit la célèbre phrase familiale : « Tu sais, si tu jettes ainsi des cailloux dans l'eau et si chacun de nous fait la même chose, il va y avoir au fond un tas si gros, que jamais plus les bateaux ne pourront naviguer ici ! » Le garçon qui était sur le point de jeter un caillou le laisse tomber. Il tend la main vers Aima.

La mère poursuit son chemin, insensible à ceux qui sont près d’elle, elle communique avec un interlocuteur lointain. Elle entraîne son garçon plus loin en le tirant pas le bras. Aima et lui ne peuvent se donner la main. Il suit sa mère, toujours en grande conversation avec la terre entière. Au bout d’une cinquantaine de pas, la mère surprise de n’entendre plus de « Ploufs » se retourne enfin vers son fils.

L’enfant lui tourne le dos, il marche à reculons, regardant toujours la petite fille qui lui fait un grand signe de la main. La femme, furieuse coupe son téléphone, elle s’adresse à la gamine d’un ton peu aimable : « Que veux-tu à mon fils toi ? » Aima, tout sourire, lui répond « Rien madame. Il avait simplement envie que quelqu’un s’adresse à lui parce que vous ne vous occupez pas de lui ! »

S’en était trop pour la mégère (mauvaise femme) qui se tourne alors vers Rohan : « Faites donc taire cette enfant mal élevée monsieur ! ». La femme de colère donnant un grand coup de pied dans un caillou qui finit sa course dans l’eau. Alors Rohan de lui dire à son tour la phrase rituelle de sa famille : «  Tu sais, si tu jettes ainsi des cailloux dans l'eau et si chacun de nous fait la même chose, il va y avoir au fond un tas si gros, que jamais plus les bateaux ne pourront naviguer ici ! »

Le garçon et Aima éclatent de rire. La femme s’étrangle de colère. Dans sa fureur, elle jette son téléphone à l’eau alors que justement il venait de sonner. Sa sonnerie est le croassement d’une grenouille. La femme surprise réalise enfin sa stupidité. Elle rit à son tour, prend son garçon dans les bras et l’embrasse.

Rohan s’approche d’elle et lui souffle à l’oreille : « Je suis heureux de vous voir réagir ainsi. Il n’y a rien de plus important que de causer avec ses enfants. Acceptez donc que je vous offre à boire dans cette guinguette (un bistrot provisoire au bord de l’eau, durant l’été). La femme accepte et les deux enfants sautent de joie.

Rohan et la femme discutèrent longtemps tandis que Aima et Pierre, car tel était son prénom jouèrent au bord de l’eau. Aima apprit bien des secrets à Pierre qui n’avait jamais été aussi heureux. Nadège, sa mère, se prit d’amitié et même un peu plus pour Rohan et jamais ne remplaça ce téléphone qui la coupait autrefois des gens qui l’entouraient.

De cette histoire mon petit Victor, tu dois retenir une chose tout simple. Personne n’est plus important que celui ou celle qui est juste à côté de toi. Et si tu vois quelqu’un lancer un caillou dans l’eau, n’oublie jamais de lui dire avec un grand sourire : «  Tu sais, si tu jettes ainsi des cailloux dans l'eau et si chacun de nous fait la même chose, il va y avoir au fond un tas si gros, que jamais plus les bateaux ne pourront naviguer ici ! »

Lapidairement vôtre 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

J'aime le vin d'ici : notre bon petit gris ...

  Que bois-tu Chalandier ? Que bois-tu Chalandier ? Ton verre est tout vidé Quel est ce doux délice Qui te met en supp...