vendredi 30 juin 2017

La lanterne de Samonios …



Les trois sœurs Parques 
 


Il était une fois, en un temps très lointain, un village en bord de Loire, à la lisère de la Bretagne. Les uns prétendent que l'aventure se déroula là où se dresse aujourd'hui Mauves sur Loire, d'autres affirment que c'était à Oudon, à deux pas de là. Mais qu'importe la localisation exacte de cette étrange histoire, c'est de celle-ci qu'il faut se soucier ici …

Dans ce hameau, étaient trois sœurs qui avaient décidé de vivre ensemble tout en se passant du commerce des hommes. Elles prétendaient tenir des métiers qui étaient alors souvent réservés au sexe qu'on prétend fort. Les dames avaient du caractère en bonnes bretonnes qui se respectent ; elles avaient aussi du talent dans leur art, si bien que les clients jamais ne leur manquèrent, faisant fi de leur genre pourvu qu'elles travaillent aussi bien qu'un porteur de braies.

Arthémise, l'aînée maniait la forge et l'enclume ayant appris auprès de son père le métier de charron taillandier. Ses outils étaient célèbres dans toute la contrée pour leur finesse et leur robustesse. Elle avait d'ailleurs équipé sa cadette, Clothilde, des meilleurs instruments qui soient pour travailler le bois. Celle-ci était charpentière, comme elle aimait à dire. Elle avait de la magie dans les mains et ses pièces de bois étaient d'une beauté rare. Quant à la plus jeune, Nora, elle avait souhaité hériter de leur mère, le métier de tisserande. Elle créait les étoffes les plus solides qui soient dans le lin et le chanvre du pays breton.

Dans la demeure des filles Parques, le travail ne manquait jamais ! Les trois sœurs ne prenaient ni repos ni congés ; elles aimaient tant leurs métiers qu'elles y consacraient toute leur existence. Quand l'ouvrage de l'une exigeait de la main- d'œuvre, les deux autres lui fournissaient aide et conseils. Chacune était capable d'exécuter le travail de l'autre; c'est ce qui faisait leur force et leur grande réputation au-delà de leur province, en toutes les contrées de Loire.

Un soir de pleine lune (comment put-il en être autrement ?), un étrange personnage, maigre et élancé, au visage émacié, vint frapper à la porte des sœurs. Si l'homme avait une allure inquiétante, ce n'était nullement une raison pour lui proposer mauvais accueil. Les filles Parques n'aimaient pas juger les clients à leur mine, aussi, écoutèrent-elles attentivement ce visiteur d'un soir.

« Votre réputation est venue jusqu'à moi. J'arrive d'une région lointaine, si éloignée d'ici qu'il me semble bien improbable qu'un de vos voisins en soit revenu un jour. Pourtant c'est à vous que je souhaite confier un travail d'importance. J'ai besoin d'un bateau construit en un bois exotique : le mancenillier, que je vous ferai livrer par voie d'eau dès demain si vous acceptez ma commande. Je veux que tous les pièces de navigation soient en fer et j'ai entendu louer votre adresse en ce domaine. J'ai besoin d'une grande voile de lin que je veux noire comme la nuit et plus solide encore. Pour faire bonne mesure, j'ai besoin d'une faux dont le tranchant se situe à extérieur ! »

Les sœurs furent un peu surprises d'une telle commande. Cependant elles aimaient les gageures et l'homme leur en proposait une formidable ! Qui plus est, ce client peu ordinaire voulait être livré à la prochaine lune, le premier soir du mois de Samonios selon le calendrier celte encore en vigueur alors dans cette région. L'homme leur promettait une bourse pleine d'or si elles tenaient le pari. Elles acceptèrent bien légèrement, il me semble …

Le lendemain matin, tout ce qu'il leur fallait pour commencer cet incroyable chantier leur était livré par des serviteurs aussi peu ordinaires que leur maître. Les hommes ne dirent pas un mot, laissèrent les matériaux et disparurent aussi mystérieusement qu'ils étaient arrivés. Pourtant, une fois encore, rien ne semblait arrêter les sœurs Parques dans leur volonté de venir à bout de ce défi.

Elles se mirent au travail. La forge ne cessa de brûler durant la première semaine. Puis ce fut au tour des lames de couper le bois tandis que le rouet tournait sans arrêt. La maison était une ruche, l'atelier une fourmilière. Il y avait toujours du mouvement, du bruit, des femmes en action, allant en tous sens. Elles n'étaient que trois ; elles semblaient bien plus …

L'ouvrage avançait. Les voisins venaient regarder en s'interrogeant sur le mystère qui prenait corps sous leurs yeux incrédules. Le client, dont personne se savait rien, avait laissé des consignes précises, des plans et des dessins sur de curieux parchemins. Les sœurs accomplissaient des prouesses pour respecter un délai que nul charpentier naval n'avait jusqu'alors tenu pour construire un bateau. En plus, elles armaient le bateau pour qu'il soit prêt à servir le soir prévu de la livraison. Manifestement, c'est la belle embarcation d'un passeur qu'elles réalisaient là.

Le soir de la commande était venue. Le travail était achevé. Arthémise, Clothilde et Nora n'avaient guère pris de sommeil durant cette lune. Elles n'en oubliaient pourtant pas la fête de Samain qui devait se tenir cette nuit là. Arthémise prépara selon la tradition, un formidable feu dans la cheminée et posa sur la table des bûches afin que de mystérieux visiteurs puissent se chauffer pour leur long voyage. Clothilde avait mis à cuire de succulentes pâtisseries et elle les avait laissées, elle aussi, sur la table pour les inconnus qui étaient attendus. Quant à Nora, elle avait trouvé le temps de tisser de grandes capes qui étaient également promises à ceux qui devaient passer dans la nuit …

Ayant respecté la coutume comme elle se pratiquait alors, les sœurs Parques, l'esprit tranquille s'étaient rendues en bord de Loire pour livrer leur ouvrage à celui qu'elles attendaient. Celui-ci arriva bien après le coucher du soleil, au moment où la Lune, grosse et ronde montait fièrement dans le ciel. L'homme était encore bien plus inquiétant que lors de sa première visite. Dans la nuit , ses yeux brillaient d'une curieuse lueur.

Il admira le travail des trois sœurs. C'était en tous points semblable à ses désirs. Il se frottait les mains, jamais on ne lui avait construit un bac aussi élégant , une faux aussi fine et tranchante, une voile aussi noire et solide. Fou de joie, il se mit à sauter , se lançant dans une danse diabolique avant de retrouver ses esprits. Il récupéra ses parchemins afin que nul ne puisse reconnaître son bateau.

« Mesdames, vous avez réalisé des merveilles. Vous méritez bien l'immense récompense qui vous attend sur l'autre rive : une bourse pleine de belles pièces d'or comme jamais vous n'en avez eu. Mais pour la mériter , il faudra m'accompagner et remplir une petite condition. Vous tiendrez une chandelle et , si celle-ci ne s'éteint pas durant la traversée, vous serez payées au-delà de vos espérances. Mais si la flamme vient à disparaître, vous devenez mes passagères et jamais vous ne reverrez les rives de la Loire ! »

N'importe quelle femme de ce pays se serait enfuie mais point nos sœurs Parques. Elles se concertèrent et la cadette se précipita dans le jardin de la maison et revint avec une belle gourde pèlerine appelée encore calebasse quand on la vide. Sa sœur la creusa avec l'adresse de celle qui manie le couteau à bois en façonna une lanterne dans laquelle l'aînée fixa soigneusement la chandelle.

Le mystérieux client regardait d'un air sardonique ces préparatifs qu'il jugeait vains. Sûr de son pouvoir, il embarqua les dames, certain d'avoir gagné de nouvelles âmes. Subitement, au milieu de la Loire, le vent se leva et souffla avec une force incroyable. Dans le même temps, des trombes d'eau tombèrent du ciel. La rivière s'agita, le bateau allait au gîte. Mais rien n'y fit ; la chandelle continua de briller fièrement à l'abri de sa calebasse, accrochée solidement à la vergue.

Arrivé à l'autre rive, l'Ankou, puisque c'est de lui qu'il s'agit, dut reconnaître sa défaite. Il remit à contre-cœur une grosse bourse aux trois sœurs et disparut sur la Loire à bord de sa célèbre barque . Beaucoup de gens du pays eurent un jour à utiliser le bateau et son étrange capitaine. Aucun n'en revint jamais. Seules les sœurs Parques avaient vaincu le démon.
Pour revenir chez elles , elles durent faire un grand détour en allant chercher un pont fort loin sur la Loire car l'Ankou, mauvais joueur, ne les avait pas reconduites sur la bonne rive. Enfin elles retrouvèrent leur demeure. Les présents qu'elles avaient laissés sur la table, avaient disparu. Leur client manifestement , avait eu le temps de trouver des passagers pour la traversée dans l'autre monde et ces derniers étaient venus quérir les présents pour ce long voyage. Longtemps, très longtemps encore, le bateau de l'Ankou remplit son terrible office. Il faut dire que les sœurs avaient fait du bel ouvrage.

De nos jours, certains prétendent creuser des citrouilles pour célébrer la nuit des défunts. S'ils réveillent ainsi de vieilles légendes celtes, s'ils commémorent sans le savoir la fête de Samonios, ils commettent une grave erreur, les cucurbitacées en ce temps-là n'étaient pas connues en Europe. Riez donc sous cape et pensez, en voyant leurs grimaces feintes, qu'il faut être bien gourde pour confondre une calebasse et une citrouille. Les sœurs Parques ne s'y étaient pas trompées et c'est ainsi qu'elles purent vivre le reste de leur âge. On ne s'approprie pas une légende ancienne sans en connaître la véritable histoire. C'est la seule morale de cette fable de Loire …

Quant à ceux qui croient aux pitreries d'Halloween, il se murmure que jamais les sœurs ne dépensèrent les pièces d'or gagnées de si étrange manière. Elles se dépêchèrent de les enterrer bien vite dans leur jardin. Il se dit qu'en ce lieu mystérieux, poussent encore des « Cucurbita lagenaria ». C'est ainsi qu'il vous sera possible d'employer votre soirée à des choses bien plus utiles ; au lieu d'importuner les braves gens, cherchez donc le trésor des sœurs Parques quelque part entre Mauves et Oudon.

Celtiquement vôtre
 

Message comme une image …


Se souvenir du temps jadis.


Il était une fois un Être Suprême, satisfait de sa dernière tentative pour peupler sa demeure. Après des essais et des erreurs, des imperfections notables quant à la taille des occupants, il se trouva bien aise d’avoir songé à mettre des locataires à son image. Le Créateur, en sa naïveté, pensait sans doute que ces êtres debout allaient se montrer dignes de leur immense modèle.

Dans les premiers temps, Celui qu’on ne nomme pas, ne fut pas mécontent de son œuvre. Après des débuts hésitants, les humains investirent en totalité leur terrain de jeu. Ils crûrent et se multiplièrent, respectant ainsi à la lettre les conseils du patron. Il y eut bien quelques soubresauts, conflits intestins, querelles de famille mais dans l’ensemble, le Très Grand était content !

Il leur insuffla dans le creux de l’oreille un souffle divin, leur recommanda instamment de respecter, préserver et aimer la nature et ses hôtes qu’Il avait tout spécialement conçus pour eux. Au début, le conseil avisé fut pieusement suivi d’effet. Les humains vécurent en totale harmonie avec les autres locataires de la planète. Il se murmura même, dans certaine obédience un peu naïve, que c’était alors le paradis sur Terre !

Mais comme le nombre de ceux qui regardaient l’horizon, dressés sur des jambes, ne cessait d’augmenter, il y eut bien des soucis. Leur posture, d’abord, les incitant à regarder toujours plus loin, les fit mépriser ce qui était tout proche. L’Etre suprême en fut affecté : il n’avait pas songé qu’un simple détail technique eût pu avoir autant de répercussions. Leur nombre les poussa ensuite à considérer qu' animaux et plantes ne devaient être qu’à leur service ; ce fut vraiment le début de la fin. Le Tout Puissant vécut là un véritable enfer !

Il chercha bien des solutions pour ramener sa créature à de plus sages comportements. Il inventa le langage afin que chaque plante, chaque animal, chaque minéral puisse être désigné et ainsi considéré. Durant une longue période de l’Histoire, l’astuce sembla relativement efficace. Si les abus ne cessèrent pas, il se trouvait cependant bien des humains capables de regarder autour d’eux et de connaître tout ce qui les entourait.

Il se créa même des spécialistes en bien des domaines. Les uns nommaient, classaient, observaient les oiseaux quand d’autres inventoriaient les moustiques, certains les mammifères et d’autres encore les plantes. Le Créateur eut l’idée de permettre à sa créature de mettre par écrit cet immense savoir. Il se fit des encyclopédies, des classifications savantes et des théories de l'évolution qui amusèrent beaucoup le Très Grand.

Bien que la connaissance intime du vivant eût considérablement régressé au fil des temps chez le commun des péquins, il demeurait un respect qui satisfaisait le créateur. Il aurait bien dû se méfier un peu plus de la propension désastreuse des humains à souiller tout ce qu’ils entreprennent. Mais Dieu, puisqu'il faut enfin le nommer ainsi , en sa grande clémence, pardonnait et espérait que ces petits êtres allaient se reprendre.

La suite lui prouva qu’il faisait fausse route. Quelques anges ironiques avaient mis en garde le Saint Patron, lui faisant bien remarquer que les voies qu’il empruntait était non seulement impénétrables mais souvent inextricables ; le Créateur balaya d’un revers de la main ces avertissements. Sur Terre, la grande spoliation de l’héritage naturel était en marche.


Les humains brûlaient, tuaient, exploitaient, détruisaient, construisaient sans modération, sans mesure, sans considération pour les générations à venir. L’appétit des créatures était sans égal, leur cupidité sans limite, leur sottise sans fin. Les espèces, les unes après les autres, tiraient leur révérence, succombaient à tous les dégâts provoqués par les plus stupides et égoïstes membres de la communauté terrestre.

Le Moins Puissant qu’il ne voulait bien l’admettre, ne renonça pourtant pas à trouver des parades. Il avait mis à la disposition des maudits bien des solutions pour qu’enfin ils ouvrent les yeux. Sculpture, peinture, poésie, gravure et bien d’autres arts leur avaient été offerts afin de leur faire prendre conscience de la beauté des choses. Si beaucoup étaient touchés par les Muses, ceux qui commandaient aux destinées du monde ne se prosternaient que devant le dieu argent.

L’anthropocène était en marche. La Terre, elle-même, était menacée par la folie de ces petits êtres misérables. Le Créateur tenta une ultime manœuvre pour sauver ce qui pouvait l’être. Il inventa la photographie afin que ceux qui en avaient encore le goût enseignent à tous les autres la beauté de la nature. Les progrès de la technique aidant, bientôt chacun pouvait capter la magnificence de l’infiniment petit, la majesté du très grand, la délicatesse d’une fleur, la tendresse d’une naissance, toutes les splendeurs de ce monde.

Une fois encore, beaucoup furent touchés, émus, convaincus de la nécessité de préserver ce trésor qui avait été confié aux humains. Les photographes animaliers et naturalistes les avaient touchés au cœur, cet organe dont sont naturellement dépourvus ceux qui dirigent la marche folle de cette société qui va à la perte de la planète.

L’état d’urgence devait être déclaré. Les maîtres du monde firent semblant de s’apitoyer sur la pauvre planète, ils firent grimaces et menteries pour rassurer les gogos mais se refusèrent à changer quoi que ce soit. La COP 21 ne fut qu’un papier tue-mouches, accroché au plafond de nos crédulités ; les ogres du libéralisme triomphant se refusant à réduire leur appétit mortifère.

Le Créateur songea alors qu’il n’était plus temps de changer la marche inexorable vers la grande destruction finale. Il fallait se contenter de laisser trace de sa création, de permettre aux derniers humains responsables de constituer une mémoire des espèces naturelles. La photographie numérique fut la dernière création du Très Grand afin de permettre aux amoureux de cette Terre qui se meurt, de saisir, une dernière fois, les espèces et les décors menacés de disparition imminente .

Le Tout Puissant fut écouté. Il remarqua des pionniers qui, armés d’appareils de plus en plus sophistiqués, battaient la campagne, les rivières et les montagnes pour immortaliser ce qui bientôt ne serait plus jamais. Il y aurait au moins belle trace de cette merveille, par Lui confiée aux humains et que leur incurie avait détruite.

Hélas, mille fois hélas, le Créateur s’aperçut, à son plus grand désappointement, que la très grande majorité de ses créatures cessèrent de regarder autour d’elles. L’appareil photographique était devenu le miroir de la vanité des humains. Ils se photographiaient eux-mêmes, en un geste d’une totale absurdité. Dieu n’en pouvait plus de ces maudits, de ces imbéciles, de ces gens qui n’ont ni cœur ni regard.

Dieu, en désespoir de cause, sacrifia tous les humains ne conservant que les rares espèces survivantes de la catastrophe provoquée par ceux qui allaient debout. Il détruisit également toutes les images représentant ces pauvres créatures qui étaient si orgueilleuses. Seuls les clichés des photographes animaliers et naturalistes furent épargnés, pour le seul plaisir du Très Grand.

Photographiquement vôtre.

jeudi 29 juin 2017

La dame sur le chêne.


Poussières d'étoiles


Sur la lande, j'errais, claudiquant, à la recherche d'une légende. Bienveillante, la pleine Lune éclairait la dune ; complice m'était le murmure du proche Océan. Tout émoustillé par l'histoire « des fées des sables » à moi confiée par une conteuse gasconne, j'étais à la recherche d'un signe, d'un indice dans l'espoir de trouver grâce auprès des demoiselles ailées. Me feraient-elles participer, l'espace d'une nuit endiablée, à leur sabbat mystérieux, effaçant ma disgrâce , rendant la raison à ma patte folle ?

La conteuse m'avait affirmé que celui qui satisfaisait les dames recevait en retour une pièce d'or, quelques soins telluriques et la promesse d'être à nouveau convié à leur sarabande pour peu, naturellement, qu'il sût garder sa langue. Je n'avais nullement l'intention de m'enrichir ; j'étais là pour avoir nouveau récit à vous offrir tout en m'octroyant un petit plaisir sensuel et un mieux-être plantaire.

Je commençais à douter de ma bonne étoile quand, soudain, sur la dune, un spectacle me fit oublier mes désirs secrets et quelque peu inavouables. Un chêne, tortueux et fier, se dressait là où nulle végétation ne pousse, à l'exception de petites herbes obstinées qui résistent aux assauts du vent. Il se tenait, face à la mer, comme un défi aux éléments et à la nature.

Je n'osais m'approcher de cet arbre vénérable. Il se découpait sur le ciel, inquiétant et envoûtant, comme seuls les arbres peuvent l'être quand ils se trouvent isolés, à l'écart de leurs congénères. Il y avait en lui de la magie ou peut-être un message céleste. Détail troublant : quels que fussent mes mouvements et ma position, il restait imperturbablement planté devant une pleine Lune qui tenait bien plus d'Hollywood que de notre satellite naturel.

Il y avait certainement envoûtement ou sorcellerie dans ce prodige sélénaire à moins que ce ne fût une fiction née de mon esprit embrumé. C'est la Lune qui était son phare, son projecteur : elle n'avait d'yeux que pour lui. J'avançais doucement, me dissimulant derrière les quelques arbustes qui poussaient au pied de la dune, entre sable et forêt, craignant d'effrayer je ne sais quelle fée ou bien de briser ce mirage.

Il me fallut bien du temps pour l'apercevoir enfin. Sur la plus haute branche, une dame, toute de noir vêtue, dansait, au son de la musique argentine des vagues, ce qui me parut être un tango, en enlaçant un bel oiseau blanc. Spectacle magnifique de ce couple irréel qui me fascinait, me clouait sur place, comme pris au piège ! L'oiseau lui tendait ses ailes, la dame se collait à son plumage. C'était la plus belle parade que jamais œil humain n'eût contemplée .

Oubliées les lascives fées des sables ; celle de l'arbre avait conquis mon cœur d'autant plus que, sur mon pied blessé, je sentais un frémissement, une curieuse chaleur et quelques picotements. Avais-je pénétré dans un champ magnétique, moi si aimant ? En pleine nuit, des papillons phosphorescents voletaient autour de moi ; ma raison vacillait.

Qu'importe, j'aurais donné n'importe quoi pour être cet oiseau, pour tenir sous mon aile la gracieuse danseuse. Combien de temps ai-je passé ainsi, le souffle coupé et le sang battant mes tempes ? Je n'en ai aucune idée … Le temps était aboli, le monde se résumait à ce tango aérien, cette chorégraphie éclairée par la Lune.

Que se passa-t-il alors? Avais-je marché sur une branche ? Il est vrai que mon pied, soudainement guéri, me donnait, lui aussi, des ailes. M'étais-je montré malgré toutes mes précautions, incapable que j'étais de maîtriser mes émotions ? Je ne puis vous dire ce qui fit que ma vie bascula en cet instant extraordinaire.


Ma présence venait d'interrompre le bal. L'oiseau blanc s'envola. Il s'éleva dans le ciel, telle une flèche qui veut atteindre la voûte céleste. Puis soudain, il fit volte- face et se dirigea vers ma position. Il planait à une telle altitude que j'avais peine à le deviner encore ; je ne distinguais qu'une petite tache blanche, tout là-haut !

Sur son chêne, la dame s'était assise, reprenant son souffle. Il n'y avait dans son regard ni reproche ni remontrance. Je crois même qu'elle me souriait en me fixant intensément, comme si elle m'invitait à la rejoindre. Mais malhabile et pataud, incapable de grimper si haut, comment pouvais-je escalader le vieux chêne ?

Soudain, dans le ciel, un cri perçant me fit sursauter. L'oiseau se trouvait juste au-dessus de moi désormais. Il fondit alors vers l'endroit où, il y a peu encore, je cherchais maladroitement à me cacher. Mais paralysé, j'étais incapable d'esquisser le moindre geste pour éviter l'animal en piqué. Fuir eût été, de surcroît, lâcheté indigne devant si belle et si engageante dame !

J'allais être embroché par un bec vengeur, celui d'un jaloux qui avait compris ma soudaine flamme pour sa cavalière. Mon trépas était certain mais mourir d'amour, quoi de plus beau pour un rêveur ? J'acceptais ce sort funeste pour le sourire de celle qui était, tout à la fois, fée et sorcière, enchanteresse et envoûteuse.
C'est alors que je la vis se lever et, d'un geste que je ne saurais vous décrire, elle présenta ses mains tendues aux étoiles qui se mirent à filer dans le ciel. Une fine poussière tomba sur les paumes de la fée ; toute nimbée elle-même d'un halo lumineux, elle reçut délicatement ce scintillement luminescent . La Lune se fit plus grosse, plus brillante encore.

Le prodige se déroula en quelques secondes. J'entendais l'oiseau qui fondait sur moi, pourtant, j'étais en extase devant la belle. Sans crainte ni inquiétude, j'attendais un signe d'elle : il ne pouvait en être autrement. Elle me mettait à l'épreuve ; je devais absolument me montrer digne de ce rite initiatique. Le bruit grandissait, l'oiseau allait me clouer de son bec quand, à l'ultime instant, la dame de la dune projeta sur moi ses poussières d'étoiles.

L'oiseau disparut, votre serviteur, docile spectateur, pareillement. Je n'étais plus ; je n'étais plus ce pauvre curieux qui se traînait misérablement sur la terre ferme. Je me retrouvais à mon tour sur la plus haute branche du chêne, comme sorti, en cet instant, d'un cocon : celui que j'avais été auparavant.

Ma cavalière avait repris sa danse et c'était moi, l'oiseau blanc qui dansait une lancinante valse avec elle. Je n'étais certes pas aussi habile que son cavalier précédent ; il lui fallut grande patience et bonne pédagogie pour m'initier à son art viennois. Nous n'étions guère pressés. Nous avions toutes les nuits devant nous pour découvrir les subtilités de sa danse préférée.

Nous avions tous les jours pour nous reposer et nous aimer. Si oiseau j'étais la nuit, je retrouvais mon apparence aux premières lueurs du jour. La dame de la dune descendait alors de son arbre et me conduisait dans son antre. De ce lieu, jamais je ne vous dirai rien ; je ne voudrais pas qu'un autre curieux vienne me dérober ma belle cavalière et me prive d'une pièce en or.

Cavalièrement sien.

Il y a quelque chose qui cloche


Le poulailler flottant


Qui se souvient dans son enfance d'une vieille traction ou bien d'une ancêtre automobile, abandonnée là sur un carré d'herbes folles, envahie par les ronces et servant de poulailler à quelques volailles heureuses de trouver un abri plus confortable qu'à l'ordinaire ? Nous ignorions alors que le véhicule aurait plus sûrement contenté des amateurs éclairés et qu'il eût rapporté bien plus que cet usage si modeste. Ainsi va la vie des objets oubliés : parfois ils connaissent des heures sombres avant que d'embellir un rond-point ou, mieux encore, d'enrichir des collections précieuses.

Pourtant l'histoire que je vais vous conter est à l'origine d'une belle plus-value qui enrichit celui qui en avait été à l'origine, bien malgré lui. Les hasards de la Loire et de la destinée ne se jouent pas toujours de courants contraires. Le vent peut aussi souffler en faveur de celui qui n'a rien demandé. Laissez-vous porter par ce récit édifiant ; il est de saison, cela va de soi !

Il était une fois un chaland qui avait fait son temps. C'était à l'époque de la marine de Loire quand de grands et fiers bateaux de bois sillonnaient la rivière pour transporter les marchandises qui venaient de régions lointaines et de contrées plus éloignées encore. Le commerce découvrait les joies de la mondialisation naissante : trois continents avaient uni leur destin économique même si le sort de l'un des trois était enchaîné aux deux autres …

Les mariniers ignoraient ou feignaient d'ignorer le prix que payaient les Africains pour que viennent d'Amérique sur nos rives des marchandises nouvelles qui faisaient la prospérité de grandes manufactures et de quelques nouveaux négociants. La Loire charriait ainsi des produits exotiques qui faisaient le délice des gourmets.

Éloignons-nous un peu de la trépidante activité commerciale pour nous retrouver sur une berge tranquille, éloignée des ports. Vivait ici, un brave marinier qui avait posé son baluchon et son coffre de bois. Il en avait soupé des voyages incessants, de la vie trépidante de celui qui n'est jamais à la maison. Il avait décidé de vivre le reste de son âge à élever des poules, des canards, des oies et des dindons sur quelques arpents de terre, en bord de rivière, qu'il avait hérités de sa vieille et défunte mère.

Il avait bâti, de quelques planches issues du déchirage de sapines, un poulailler pour y loger sa volaille. L'homme avait sans doute passé trop de temps sur l'eau pour se rappeler que, sur terre, il y avait, tapis dans le plus grand secret, des prédateurs prompts à vous saccager un élevage. En l'espace de deux ou trois visites de renards, de fouines ou bien de martes, son cheptel avait fondu comme neige au soleil.

Notre brave éleveur, que nous nommerons Pascal, pour nous simplifier le récit, usa alors de sa capacité de réflexion pour trouver moyen de contrecarrer l'appétit des carnassiers. Épris de grands espaces, il n'était pas homme à enfermer sa troupe caquetante derrière un haut grillage, planté, qui plus est, profondément en terre. Il savait un vieux bateau qui pourrissait là après une vie bien remplie. C'était ce qu'il lui fallait pour éloigner les maudits gourmands.

On se moqua naturellement de sa curieuse idée. Un bateau, fût-il une épave prochaine, n'est pas un poulailler. Pascal n'en avait cure ; il vivait en bord de rivière, il était bien décidé à mettre en service son élevage flottant. Une passerelle, retirée la nuit, éloignerait à jamais les prédateurs de leur plat préféré.

Il lui fallut beaucoup de patience pour apprendre à sa troupe ailée à franchir sans encombre la distance qui la séparait de la terre ferme sur une planche étroite au-dessus de l'eau. La poule surtout n'a pas le pied marin et, c'est bien connu, n'aime guère être mouillée. À force de persévérance tout autant que de pédagogie, il initia les poules, les canards, les oies à cet exercice d'équilibriste qui, finalement, devint un spectacle prisé par tous ceux qui s'étaient moqués de lui auparavant. Les gens sont ainsi faits et il ne sert à rien de s'en offusquer …

Pascal faisait commerce des œufs, d'autant plus frais qu'ils passaient la nuit sur la rivière. Il fallait voir au petit matin, le spectacle de ce chaland envahi de gallinacés qui s'éveillaient. Un coq, plus intrépide que tous les autres, avait pris l'habitude de sonner le réveil sur le faîte du mat. Il trônait là et indiquait à tous le sens du vent par la même occasion. Pour ceux qui sont attentifs aux moindres détails, le bel animal tournait toujours le dos à Éole : sage précaution pour ne pas être enroué.

Le poulailler de Pascal faisait désormais parti du décor ligérien quand un incident, une bévue bouleversa le cours de son petit commerce. Je ne doute pas un seul instant que vont se trouver là quelques esprits chagrin pour douter de la chose. Mais laissons là les sceptiques et les cartésiens : il ne sert à rien de vouloir convaincre ces gens trop sérieux.

Tout arriva un jour de grand brouillard comme il en survient parfois sur notre rivière. Il était impossible de voir plus loin que le bout de son nez et c'est un capitaine, réputé pour sa balourdise, qui commit la maladresse qui allait changer la vie de tant de braves gens. L'histoire aime à prendre des virages imprévisibles : certains y voient la main de Dieu, d'autres pensent que ce n'est qu'un simple concours de circonstances. La vérité est plus prosaïque, il faut bien le reconnaître.

Le brouillard et une soirée bien arrosée la veille sont les véritables explications à ce qu'il allait advenir. Il ne faut pas chercher midi à quatorze heures surtout avant le chant du coq dans la mature. C'est ainsi qu'en ce petit matin de carême, le Fram , un navire à vapeur lourdement chargé de cacao, destiné à la chocolaterie Poulain, vint aborder à proximité du poulailler.

L'esprit encore embrumé par les vapeurs d'alcool, le capitaine, qu'on surnommait fort à propos « Vent de travers », donna l'ordre de décharger la marchandise sur ce qu'il prit pour un ponton. L'homme était réputé pour être un colérique atrabilaire ; les matelots s'exécutèrent plutôt que de le contredire. Ils avaient plus à craindre de ses colères que d'un déchargement absurde.

Vous l'avez deviné : les fèves de cacao furent déversées sur le poulailler flottant et les poules, les canes, les oies, les dindes se délectèrent de cette graine qui était toute nouvelle pour eux. Pascal eut beau mettre la passerelle ce matin là, personne ne voulut regagner la terre ferme. La basse-cour était en haute cour de gourmandise et faisait le plus grand festin qu'on connût de mémoire de volatile.

C'est précisément le jour de Pâques que survint le miracle qui resterait à jamais gravé dans les mémoires ligériennes. Pascal fit ce jour-là une récolte exceptionnelle d'œufs qui lui semblaient tous plus lourds qu'à l'ordinaire. Il lui semblait qu'en ce jour si particulier, il y avait quelque chose qui clochait. Il voulut gober un œuf pour se rendre compte de quoi il retournait exactement. Il faillit, sur le coup de la surprise, y perdre la raison.

Du trou dans la coquille qu'il venait de percer, nul blanc ne sortit. Il eut beau aspirer ; rien ne venait. Il décida de briser celle-ci pour comprendre ce mystère. Il découvrit alors un œuf parfaitement brillant, de couleur noire qu'il se décida à croquer. Il n'en croyait ni ses papilles ni ses yeux :l'œuf était en chocolat.

Ce jour-là il fit une recette fabuleuse. Ses œufs s'arrachèrent littéralement car la nouvelle circula comme une traînée de poudre d'amande. L'œuf de Pâques était né. L'idée fit le tour de la région et personne ne songea à renouveler le chargement des fèves, fort onéreux, il est vrai. Il y avait moyen plus économique d'obtenir pareil résultat ; les chocolatiers des bords de Loire s'ingénièrent à trouver chacun un secret de fabrication. Ils furent bientôt copiés par tout le pays, qui comme chacun le sait ici, ne songe qu'à nous singer.

Depuis ce curieux jour, à Pâques, on cherche des œufs en chocolat dans le jardin pour le plus grand bonheur des enfants. Mais si d'aventure, il y a quelques poules, des canes, des oies ou des dindes sur un bateau, allez donc voir si elles n'ont pas pondu un œuf comme ceux que trouva Pascal ce matin-là. Et, si par bonheur, vous rencontriez une poule de légende, il se pourrait même que le vôtre fût en or.

La fortune sourit toujours à ceux qui croient encore aux histoires, quoiqu'il soit plus simple de gober un œuf que ma fable. Prenez la peine, si vous avez conservé votre âme d'enfant, de bien chercher en bord de Loire, il y a sûrement un bateau de bois qui vous fera ce bonheur. Joyeuses Pâques à tous et surtout, prenez garde de ne pas tomber dans la Loire, vous seriez chocolat, dans le meilleur des cas …

Chocolatement vôtre.

La coquille vide ….


La mirifique histoire de l'œuf de Pâques.

Il est ici bien inutile de savoir qui de l'œuf ou de la poule en chocolat a entamé cette mirifique histoire qui engraisse autant les chocolatiers de notre pays de bombance que les gourmands de tous poils et de tous âges, ravis de se moquer, ce jour-là, de la volaille et du fruit de ses entrailles. Il suffit de comprendre que nul coq n'a baigné dans l'aventure pour réaliser en fait que la chose a été créée de toutes pièces et je me fais fort de vous la servir sans coquille.

Depuis l'antiquité, l'œuf, décoré avec amour et fantaisie, célèbre le retour du Printemps. Les poules furent en cette occasion les dindons de la célébration. Elles livrèrent bataille mémorable à ces pauvres moutons qui jouèrent, eux aussi bien souvent, le rôle de la victime, si commode. Pour la fable que je vais vous conter, tout se passa il y a bien longtemps, bien loin d'ici … J'espère que vous goberez mon histoire sans vous étouffer .…

Or donc, en ce temps et en ce pays-là, de braves moutons en avaient assez d'être les seules victimes expiatoires de ces fêtes calotines ! Il est d'ailleurs étrange que l'on célèbre la vie par la mort de quelques milliers de pauvres ovins de substitution. La supercherie, pour eux, n'avait que trop duré puisque ce sont les agneaux qui devaient remplacer au pied levé, le bouc, trop occupé à reconstituer des stocks, si mis à mal par toutes les hécatombes promulguées au nom des obédiences monothéistes.

L'agneau, quoique de lait, aimait à se nourrir d'un bon chocolat éponyme (imputons à son jeune âge ce manque évident de goût). Pour incroyable que cela paraisse, il se trouve que dans ces élevages coupés du monde, la pratique était avérée. Les historiens se perdent en conjectures mais ne remettent pas en cause la fable. Il est vrai que, sous d'autres cieux, des écureuils se targuèrent de semer des noisettes dans leurs tablettes surnuméraires et qu'il existe encore une contrée où des vaches mauves baignent dans une étrange affaire chocolatée ! Tout est donc possible au pays des songes….

C'est dans un élevage de l'île de Pâques -puisqu'il faut situer l'anecdote, n'ayons crainte de fouler les territoires les plus improbables- qu'une fermière avait l'habitude de mouler à la louche son fromage frais d'agnelle. Un agneau facétieux et amateur de calembours et autres calembredaines de mots distordus modifia l'ordre des consonnes initiales et loucha sur un moule. On peut prétendre que l'approximation est tirée par les cheveux, mais rassurez-vous : l'agneau venait d'être tondu pour avoir folâtré avec un berger germain !

Le moule en question avait une forme oblongue rappelant étrangement un petit ballon de Rugby. Comme ce sport était alors parfaitement inconnu en cette île Pacifique, leurs lointains voisins Fidjiens prétendirent y voir la forme d'un œuf. Constatez que l'Histoire tient à peu de chose et que le destin se joue de bien des ironies. À Noël les marrons, à Pâques les ballons de Rugby ! Le Pacifique se fit ainsi Ovale et les gars de là-bas devinrent des sportifs redoutables. Mais ceci est une toute autre histoire ...

C'est naturellement dans l'unique jardin d'un couple de grands-parents aimants que furent dispersés les petits œufs de chocolat pour que des bambins se prennent pour des explorateurs aventureux … Semé dans ce minuscule enclos, l'œuf ainsi moulé de bon lait d'agnelle et de chocolat à l'origine inconnue, attendit longtemps l'arrivée d'un ecclésiastique en mission sacrée pour se répandre à travers le monde.

Il se trouve qu'un jour, de manière fortuite, un bon père blanc, voyant les marmots à quatre pattes fut bien vite attiré par la scène. Ne cherchons pas à épiloguer sur ses motivations réelles ; il est plus conforme à la morale chrétienne d'espérer que ce saint homme aimait, lui aussi, le chocolat. Ne sachant où donner de la tête, il fut transporté d'aise et se promit de revenir en France avec cette belle tradition sous sa soutane.

C'est naturellement par la Loire que la nouvelle se répandit dans notre pays. Depuis quelques années déjà, les chalands transportaient la canne à sucre et le cacao vers Blois et Orléans. Ces deux villes devinrent des plaques tournantes du chocolat gourmand. Les commerçants avisés, ne pas voulant mettre tous les œufs dans le même panier, créèrent bien vite la poule en chocolat pour accréditer l'idée que l'œuf vient toujours de celle-ci.

Les années passèrent, le petit commerce pascal fit des émules à travers tout le pays. Mais toujours à la pointe de l'innovation, un chocolatier abraysien, en visite à la fonderie Bollée eut l'idée merveilleuse de fondre le chocolat dans un moule à cloche. Ne cherchons pas à comprendre les arcanes de ce raisonnement spécieux : la cloche resta silencieuse mais fit grand bruit dans le monde des gourmands.

Ainsi est né l'œuf de Pâques et le Christ ressuscita, nous dit-on, pour profiter de cette belle gourmandise- nous ne sommes pas à un anachronisme ni une fantaisie près-. Il me plaît à croire que cette histoire est vraie, quoique de chocolat, je ne mange guère ! Quant aux marrons de Noël, ils furent bien vite remplacés par des crottes, vous comprenez aisément pourquoi. Le filon était bon, il fallait pousser la bonne affaire plus loin et profiter du moule tant qu'il était encore chaud… Le mouton pensait s'en tirer à bon compte, la gourmandise, hélas, le rattrapa encore. Voyez-vous, en cette belle période gourmande, c'est : « viande et dessert » !

Anachroniquement leur

mercredi 28 juin 2017

Raymond la cloche



Société de la communication ! 

 

Jamais nous n'avons disposé d'autant de moyens de communication et pourtant, bien des choses nous échappent, passent à côté de nous sans arriver à nos tympans. L'abondance semble un excellent moyen de noyer le poisson du libre arbitre. Seul le matraquage à des fins mercantiles parvient à franchir le pavillon de nos oreilles et de notre confort domestique.

Les messages qui circulent en si grand nombre et qui vont si vite, sont des ersatz de pensée. Moins ils ont d'importance, plus ils se fraient aisément leur chemin , abandonnant nos doutes et nos inquiétudes existentiels. La vacuité a investi le sans-fil, les ondes transportent du vent, ce qui, avouons-le est assez normal.

Je me souviens pourtant d'une époque où le bouche à oreille avait encore son mot à dire pour faire savoir dans une petite communauté. Le téléphone, qu'on disait alors arabe, sans craindre de vexer une partie de la population, remplissait son rôle et bientôt, chacun savait ce qu'il était bon qu'il sache dans son intérêt ou pour son plaisir.

Mystère des technologies qui sous prétexte de faciliter la tâche viennent au contraire nous bâillonner et nous couper du savoir essentiel ! Le temps des magiciens est venu ; ils nous sortent de leur chapeau de belles histoires sordides, des faits divers crapuleux ou bien des livres nauséeux. Nous sommes devenus des enfants en bas-âge, bercés par le doux ronron d'une information d'anesthésistes.

En ce temps-là, il y avait dans nos rues des gens qui s'égosillaient pour nous faire savoir. Crieurs de rue sonnant le tambour et le rappel, ils sillonnaient nos villes et nos villages pour porter à la connaissance de tous, le spectacle du soir, l'arrêté municipal ou bien l'avis important. Ils sonnaient le rappel en battant le tambour afin que chacun tende l'oreille. Curieusement alors, rien ne tombait jamais dans celle d'un sourd.

Dans mon petit coin de Loire, le crieur se nommait Raymond. La première guerre, la grande, la seule qui vaille qu'on lui prête un peu d'égards, l'avait vilainement estropié. Le pauvre était revenu de l'enfer incapable de tenir une paire de baguettes mais tout à fait en mesure de vider le canon. Ce sont là, bien souvent les contradictions guerrières … Raymond se tapait la cloche bien plus souvent qu'à son tout et, quand il était encore en état, la sonnait dans les rues pour annoncer les nouvelles.

Pour nous autres, il était Raymond la Cloche. Personnage écouté quand il agitait son tocsin portatif pour clamer son inénarrable « Avis à la population ! », il était pareillement moqué quand il finissait, chaloupant et tanguant, sa tournée des grands ducs assoiffés. Mais les mystères de la communication fonctionnaient à merveille avec ce personnage haut en couleur. Plus il bredouillait son texte, plus il bafouillait et se perdait en erreurs de lecture, mieux le message passait. Il faut admettre que Raymond n'avait pas à sa disposition un conseiller en communication ; celui-ci se serait arraché les cheveux.

Les Raymond ont déserté nos rues. Il n'était plus besoin de trouver un travail, pour modeste qu'il fût, aux gueules cassées de ce maudit carnage. Le monde entrait dans la modernité, les journaux d'alors étaient encore lus, on pouvait compter sur eux pour donner des nouvelles. Puis, certains petits malins se dirent qu'il y avait beaucoup à gagner en vendant des journaux électroniques pour porter les nouvelles locales aux citoyens attentifs.

Lire en levant la tête, tout en circulant dans la cité, devint une pratique nécessaire pour savoir ce qui allait se passer. Bien vite, les panneaux se diluèrent dans un environnement où la publicité et les enseignes sont si nombreuses, que plus rien ne laisse trace dans nos consciences. Quand Raymond avait le nez en l'air, ce n'était certes pas pour bayer aux corneilles. Aujourd'hui, on nous saoule de messages qui glissent sans nous toucher.

Je voulais, depuis bien longtemps, faire hommage à ce brave Raymond la Cloche. Il était mon voisin, dans sa mansarde de la rue du Grenier à Sel. Sa vie n'en avait pas manqué et c'est sans doute ce qui lui avait donné une si grande soif. Je le revois encore agiter sa cloche en grands mouvements maladroits et se lancer dans sa lecture incertaine. C'est à lui que j'aurais aimé confier l'annonce, en ma petite ville, de la sortie de mes Bonimenteries au lieu de quoi, il me fallut compter sur la bonne volonté d'un journal local, si prompt à déformer les propos, à manquer à ses engagements ou à bouder les humbles. Nous en reparlerons un jour prochain : « Avis à la population ! »

Clochement vôtre.

mardi 27 juin 2017

Trouver sa voie …


Conte du pays enchanté.


Il était une fois un petit garçon qui n'arrivait pas à s'exprimer. Les mots se bousculaient tellement sur sa langue et dans sa tête, qu'il lui était impossible de les mettre en bouche. La vie était pour lui une souffrance, confronté qu'il était à ce blocage terrible qui le privait du commerce des humains, ses semblables. Il se morfondait, seul dans son coin, muré dans un silence qui le rendait malheureux.

Il lui fallait briser les murs de cette prison imaginaire. Il prit la décision de trouver sa voie en empruntant d'autres chemins que ceux des routes de l'exil. C'est dans son silence qu'il mènerait son exploration, prenant une plume pour écrire les récits qui tournaient dans sa tête. Il avait tant de belles histoires à raconter, des aventures magnifiques, des récits émouvants, des poèmes et mêmes des chansons d'amour …

Il voulait se faire entendre, lui qui ne pouvait pas parler, être écouté par tous ceux, qui jusqu'alors, se détournaient de lui. Il confia ses trésors à quelques troubadours et trouvères qui se firent un honneur de les lui mettre en musique. Bientôt, dans tout le pays, résonnaient ses agréables airs qui enchantaient le public.

Personne, pourtant ne savait qui était l'auteur de ces ballades émouvantes, de ces ritournelles qui ne cessaient d'envahir les esprits. Il souriait d'entendre fredonner des mots qui se dérobaient à lui mais qui retrouvaient force et vigueur par la magie de douces mélodies. Il était empli d'une immense fierté qui réchauffait son cœur.

Le petit garçon se surprit parfois à fredonner, lui aussi, les airs que lui avaient octroyés ses amis musiciens. Les mots s'échappaient alors, plus dociles qu'auparavant, se glissant derrière les notes pour enfin être apprivoisés. C'est ainsi qu'il se découvrit la capacité de chanter ce qu'il était incapable de dire autrefois.

La chose peut paraître surprenante ; je devine ici ou là des gens susceptibles de mettre en doute ma parole. Qu'importe, ceux-là resteront toujours des porteurs de vilaines nouvelles, des êtres retors et tristes. Pour imiter celui qui enchantait ainsi leurs vies, les gens du pays firent tous comme lui. Chacun cessa de parler pour se mettre à s'exprimer en chantant.

Vivre dans ce pays de comédie musicale devint un véritable enchantement. Tous les habitants étaient au diapason, reprenant en chœur le propos du voisin. Les querelles cessèrent, les chagrins se firent plus rares, les histoires d'amour prirent le pas sur les disputes et les griefs. Des musiciens sillonnaient les rues, pour accompagner ceux qui voulaient s'exprimer.

Le petit garçon, comme il se doit, devint le maître des chœurs, le grand ordonnateur des affaires du pays. Il fut porté au pouvoir par un plébiscite unanime où chacun lui donna sa voix. Le parlement fut débaptisé, il devint, pour le plus grand bonheur de tous, la chorale nationale. Les discours se firent cantates, oratorios, opéras, épopées musicales.

L'armée fut renvoyée dans ses casernes. Les soldats déposèrent les armes pour prendre des instruments de musique. Après de multiples répétitions, ils apprirent à jouer de concert tout en cessant de marcher au pas. La mélodie plutôt que la gabegie de la guerre : voilà qui allait réjouir les mélomanes.

Le petit garçon grandit alors dans un monde enchanté, un monde d'opérettes et de contes de fées. Il avait trouvé sa destinée, elle serait parsemée de roses et de bonheur. Il fut le premier responsable public à ne plus prendre la parole mais à entonner un discours repris en chœur par l'assistance. La communion au lieu d'une écoute ennuyeuse et sans intérêt ; il y avait de quoi se réjouir.

Le petit garçon ignorait alors qu'il allait bouleverser le monde par ce simple changement. La parole se faisant chanson, les menteurs et les raseurs, les discoureurs et les ratiocineurs, les politiques et les ennuyeux se virent confrontés à des dos tournés ou des oreilles bouchées. Les propos sans âme ne supportaient pas d'être chantés. Seuls les mots sincères se mariaient harmonieusement avec les notes et les airs. La vie redevenait joyeuse grâce à cette bienheureuse transformation.

Enchantement sien.


Les Traîneux d'Grève


Les Traîneux d’Grève 

Qui sommes nous ?



Casimir

Chanteur Guitariste Mélodiste




Karen

Accordéoniste

C'est Nabum

Conteur



Notre chanson générique



Les Traîneux d'Grève



Ils sont Traîneux de grève

Vont tout au bord de l'eau

Ils font bien plus de rêves

Que d'voyages en bateau

Ont le regard rêveur

Dès le petit matin

Ils ne sont pas pêcheurs

Simplement baladins.



Embarquez avec eux

Pour un curieux voyage

Ce ne sont que des gueux

Partis sans un bagage

Ils vous enchanteront

Le temps d'une ballade

De contes et chansons

Dits à la cantonade



Refrain



Quand un souffle de vent

Venu de l'Armorique

Leur offre dans l'instant

Des notes de musique

Un doux parfum de sel

Mêlé de gentiane

En deux battements d'aile

Les conduit en Bretagne.



Refrain



Avec un grain de sable

Va surgir une étoile

Pour qu'un lutin aimable

Puisse trouver le Graal

La brume enfin se cache

Dans un rayon de Lune

Et si le ciel se fâche

C'est la faute à Neptune



Refrain












Quelques Liens



Cliquez et vous verrez















En guise de présentation.





Imaginez une veillée comme autrefois. Deux ou trois baladins vous invitent à venir voyager avec eux en contes et chansons sur leur bateau de mots et de notes. Ils vous mènent par le cœur pour aller baguenauder en bord de Loire, en Bretagne, dans les forêts de Sologne, dans les plaines de Beauce ou dans le Berry mystérieux.



Ils aiment à prendre le contre-pied des modes et des tendances. Ils ne cherchent ni la modernité, ni les rythmes endiablés. Leurs mélodies sont des rengaines : de celles qui restent dans la tête et qu'on aime à reprendre avec eux. Les textes sont mis en valeur : ils se lovent délicatement dans les notes de Casimir, le chanteur mélodiste.



Casimir aime à définir son travail comme celui d'un artiste de la variété de qualité. Il adore proposer quelques airs de valse, un tango ou bien une polka pour vous donner des fourmis dans les jambes; son compère n'hésitant jamais à faire tourner quelques têtes pourvu que ses cavalières ne lui montent pas sur ses pieds nus.



Le musicien chanteur est fièrement installé derrière sa guitare. Il a composé pour vous et il se fait chansonnier de Loire. Si vous avez de la chance, il peut être accompagné d'une formidable accordéoniste. Son compère le Bonimenteur fait semblant d'être musicien. Il est parfaitement incapable de jouer de quoi que ce soit : c'est un beau parleur et rien de plus.



C'est Nabum est un bavard impénitent. Il vous conduit dans son univers onirique. Il se prétend Bonimenteur plutôt que Conteur car il se joue de la vérité et des mensonges ; il vous propose un monde qui s'adresse d'abord à des adultes. Il faut accepter de vous laisser porter par sa faconde, vous ne le regretterez pas.



Le garçon a plus d'un tour dans sa bourriche. Il écrit bon nombre des textes chantés par Casimir. Et quand ils ne sont pas de lui, les deux complices vont chercher des poètes méconnus à qui ils redonnent leurs lettres de noblesse. Ce sera pour vous l'occasion de retrouver une langue qui berça votre enfance, qui reste gravée dans votre mémoire.



Quelques mots en patois pour retrouver le bonheur d'un temps jadis où les gens prenaient le temps de se raconter des histoires. Avec Les Traîneux d'Grève, vous humerez de nouveau le parfum des grillées de châtaignes, des crêpes ou des bugnes. Vous vous surprendrez à lever un verre de cidre et vos yeux brilleront de plaisir. Ils réveilleront votre âme d'enfant tout en abordant des sujets qui interrogent notre société.



C'est un voyage en poésie : mot qui fait parfois un peu peur. N'ayez aucune crainte, il y a aussi place pour le rire et les ritournelles car nos amis ne se prennent surtout pas au sérieux. Ils n'ont de cesse que de vous distraire, de vous divertir mais gardent le désir de vous apprendre des choses sans prétention ni forfanterie.



Ils aiment les publics attentifs, se font une joie d'aller dans les maisons de retraite, les foyers de personnes âgées, les centres Alzheimer pour lesquels ils proposent un spectacle : « Passeurs de mémoire ! » Ils sont aussi heureux comme des poissons dans l'eau dans les fêtes de village, les bibliothèques ou les soirées entre amis. Ils peuvent venir chez vous, dans votre jardin ou dans le hall d'un immeuble. Ils aiment avant tout la convivialité et les rencontres authentiques.



Les Traîneux d'Grève vous invitent à découvrir l'autre rive, celle où les rêves se font réalité. Vous pouvez être certains de faire avec eux un voyage immobile qui ne ressemble guère à ce que vous avez déjà vécu. Ils vous proposent un spectacle original, tout simplement parce qu'ils sont inimitables. N'hésitez pas à les faire venir, ils se feront honneur de votre invitation et vous y répondront avec empressement.



Enchantement vôtre.

J'aime le vin d'ici : notre bon petit gris ...

  Que bois-tu Chalandier ? Que bois-tu Chalandier ? Ton verre est tout vidé Quel est ce doux délice Qui te met en supp...